Les émeraudes Du Prophète
pays pour que je permette qu’on le soupçonne à propos d’une si vilaine histoire. Je ne vous suivrai pas sur ce chemin-là !
— Et qui vous demande de nous suivre ? s’emporta soudain Aldo. Vous êtes tous les mêmes, les Anglais ! Prêts à toutes les aventures à condition qu’on ne touche pas à votre sacré pays et à ses illustrations !
— Je ne suis pas anglais ! clama Douglas. Je suis…
— On le sait ! Et le roi George cinquième du nom, que vous servez, il est quoi ? Hottentot ?…
— Calme-toi ! intervint Vidal-Pellicorne inquiet de la façon dont tournaient les événements. Souviens-toi que ce garçon vient de nous tirer d’un mauvais pas…
— Je n’oublie rien mais il faut savoir ce que l’on veut dans la vie ou il nous aide à sauver Lisa ou il chante la gloire de Clark !
— Je veux vous aider ! émit Douglas au bord des larmes, mais je veux aussi qu’on respecte un vieil homme honorable !
Aldo se détourna, prit une nouvelle cigarette et l’alluma d’une main dont le léger tremblement traduisait son énervement :
— C’est bon ! Respectez-le autant que vous voulez… mais tâchez au moins de mettre la main sur Ézéchiel. C’est lui le plus important pour nous et il faut faire vite !
Mais on n’eut pas à rechercher le jeune garçon bien longtemps.
Alors que, rentré dans sa chambre, Aldo s’était jeté sur son lit pour détendre au moins son corps à défaut de son esprit, il surgit soudain devant lui, rejetant la moustiquaire dont la couche l’enveloppait comme une mariée son voile :
— Où est le rabbin Goldberg ? demanda-t-il en braquant sur Morosini un pistolet tenu d’une main trop ferme pour qu’il n’en eût pas l’habitude.
— Vous devriez le savoir ? fit Aldo à qui la vue de l’arme rendit soudain tout son sang-froid.
Sans paraître s’en soucier le moins du monde, il glissa au bord du lit, s’assit et commença à se chausser. En même temps, il reprenait :
— Vous êtes son fidèle acolyte, n’est-ce pas ? Vous ne le quittez jamais ? Alors ?
— Je ne l’ai pas vu depuis hier vers six heures. Il m’avait chargé d’une… commission mais je savais qu’il vous rencontrait à onze heures à Siloé. Il était très heureux parce qu’il allait recevoir les « sorts sacrés » et il avait fait de longues prières pour remercier le Très-Haut…
— Ma femme ? Est-ce qu’elle était avec lui ?
— Je ne crois pas. Son intention était, je crois, d’aller la chercher avec vous afin que vous soyez assuré qu’elle était bien traitée.
— Vous en êtes certain ? Sachez qu’il y avait une femme avec lui… que ses assassins ont enlevée !
— Ses ass… ? Misérable goy, vous l’avez tué ?…
L’arme s’agitant dangereusement dans la main du jeune garçon, Morosini se jeta sur lui et la fit sauter avant de la lancer par la porte ouverte de la salle de bains.
— Réfléchissez ! Je ne demanderais pas où est mon épouse si j’avais tué Goldberg. Nous avions les émeraudes comme l’annonce du journal l’indiquait et, à onze heures, nous étions à la piscine de Siloé. Il y était lui aussi mais flottant sur l’eau avec un poignard arabe dans la poitrine.
— Je suis allé là-bas, moi aussi, mais je ne l’ai pas vu.
— Nous l’avons emporté pour le déposer dans un tombeau provisoire afin d’éviter un affrontement entre les deux communautés…
— Vous n’éviterez rien du tout ! Chez nous, qui a tué doit le payer de sa vie. Et vous allez me dire où vous l’avez mis…
— Je vais d’abord vous raconter ce qui s’est passé. Asseyez-vous et tenez-vous tranquille un moment !
À son tour, Morosini fit le récit de la nuit tragique et Ézéchiel voulut bien l’écouter jusqu’au bout mais sans, pour autant, abandonner toute méfiance.
— En vérité, vous êtes mon seul espoir, conclut Aldo avec tristesse, car je ne sais plus de quel côté me tourner. Je n’ai plus les « sorts sacrés », Abner Goldberg est mort et je n’ai aucun moyen de retrouver ma femme. Quant aux pierres…
— Il va falloir les retrouver. Et vous ne saurez où est la princesse que lorsque vous pourrez me dire où sont l’Ourim et le Toummim. Je reviendrai ce soir, vers dix heures, et par le même chemin… Et pas de mauvaises surprises, hein ?
Morosini haussa les épaules :
— Vous craignez quoi ? La police ? Je ne suis pas fou et j’ai besoin de
Weitere Kostenlose Bücher