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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ce qui ne le réchauffa pas mais lui procura la vague impression d’être moins sale. Il aurait donné n’importe quoi pour une douche, un rasoir et un café même mauvais mais chaud. Et aussi une cigarette mais on lui avait enlevé son étui d’or, son briquet et tout ce qu’il avait sur lui, y compris sa montre-bracelet. De ce fait il ignorait quelle heure il pouvait être. Quand le geôlier entra avec un autre morceau de pain, il désigna son poignet dans l’espoir que l’autre comprendrait mais l’homme le regarda d’un œil bovin, haussa les épaules et ressortit. Et le silence retomba. Les murs étaient si épais dans cette prison que l’on n’entendait rien de ce qui s’y passait…
    Aussi Aldo eût-il volontiers crié de joie quand, vers le milieu de la matinée, deux gardes vinrent l’extraire de son cachot, lui remirent les menottes et l’entraînèrent à travers un dédale de couloirs crasseux et de grilles si nombreuses qu’elles devaient décourager toute tentative d’évasion. On monta aussi deux escaliers et, finalement, le prisonnier se retrouva dans un bureau occupé par un homme qui, avec sa longue moustache à la mongole et les muscles impressionnants qui gonflaient son costume, bien coupé d’ailleurs, ressemblait plus à un janissaire de l’ancien temps qu’à un fonctionnaire de la nouvelle république. Assis un peu à l’écart, un homme plus très jeune, à la figure lasse et aux yeux globuleux, attendait mais se présenta aussitôt dans un italien hésitant : il était l’interprète. En même temps il lui annonça qu’il comparaissait devant Selim bey chargé de l’instruction de son affaire.
    — Je vous remercie, dit Aldo, mais sans mettre en doute vos capacités, je préférerais me passer de truchement. Ayez la bonté de demander à ce monsieur s’il ne parle que le turc ? Français, anglais ou allemand feraient aussi mon affaire.
    Selim bey parlait allemand et l’interrogatoire se déroula dans la langue de Gœthe qu’il maniait d’ailleurs avec une certaine aisance. Après avoir décliné sur un ton qui interdisait la contradiction les noms et qualités du prévenu, ce que l’on pourrait appeler le juge d’instruction entra dans le vif du sujet :
    — Vous êtes convaincu d’avoir assassiné dans la nuit du 5 au 6 de ce mois et dans un accès de jalousie la femme connue sous le nom de Salomé Ha Levi qui était votre maîtresse…
    Sous l’effet de la surprise, les sourcils de Morosini remontèrent de deux bons centimètres :
    — Ma maîtresse ?… Par jalousie ? Mais où allez-vous chercher tout ça ?
    — Contentez-vous de répondre à mes questions. Oui ou non ?
    — Non. Cent fois non ! Pourquoi aurais-je assassiné… au fait comment l’ai-je tuée ?
    — En l’égorgeant avec un couteau.
    — Quelle horreur !… Mais je continue : pourquoi, donc aurais-je tué une femme que je voyais pour la seconde fois ? Salomé était une voyante de grande réputation et il y a quelques jours j’avais escorté chez elle une amie, la marquise Casati, venue de Paris pour la consulter. Ce qu’elle m’en a dit était si impressionnant que l’idée m’est venue de faire appel à son talent pour moi-même.
    — Seulement, au lieu de vous faire tirer l’horoscope, vous avez couché avec elle. Cela vous paraît normal pour un client inconnu ?
    Devinant que ce Turc devait avoir un témoin – sans doute la servante ! – Aldo jugea inutile et même imprudent de nier :
    — J’admets que ce soit peu courant, pourtant cela est. Je le répète, je voyais Salomé pour la seconde fois mais… vous êtes un homme et vous devriez comprendre certaines… impulsions fortuites. Salomé était d’une grande beauté. J’avoue n’y avoir pas résisté…
    — Autrement dit, vous l’avez violée ?
    Le mot fit bondir Aldo :
    — Certainement pas ! J’aime et je respecte trop les femmes pour m’abaisser à ça…
    Le mince et dédaigneux sourire du magistrat suivit la courbe exacte de sa moustache :
    — Vos ancêtres ne s’en privèrent pas autrefois, lorsque les soldats du doge Enrico Dandolo ont pris Byzance ?
    — Il y a six cents ans, monsieur, et, si j’admire votre culture historique, je m’étonne qu’un Ottoman puisse faire référence à cette période. En 1453, les hommes du sultan Mehmed II ne se sont pas privés non plus que je sache ? En outre, j’espère que vous ne comptez pas vous armer du contentieux qui depuis

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