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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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tout de même la satisfaction de voir son ennemie pâlir un brin sous le léger maquillage, ce qui la rendait encore plus ravissante.
    Quand le train se fut arrêté en gare de Belgrade, le lendemain vers six heures et demie du soir, les trois voyageurs descendirent ensemble et Morosini se mit en quête du Vienne-Budapest-Bucarest qui allait presque les ramener sur leurs pas. Par chance il passait trois heures plus tard et, par une autre chance, la lecture de l’indicateur des chemins de fer apprit à Morosini qu’il était inutile de prendre des billets jusqu’à Bucarest pour l’excellente raison que le train s’arrêtait à Sighishoara : une économie d’une centaine de kilomètres et même du double s’ils avaient dû revenir encore sur leurs pas. L’attente dans le buffet de la gare ne fut pas agréable : une vague de froid venue de Russie passait sur l’Europe Centrale et la grande salle était à peine chauffée par de maigres braseros. En outre, la nourriture qu’on leur servit était à peu près immangeable. Ce fut pour Aldo l’occasion de rendre justice aux qualités voyageuses d’une fille d’Albion : le mauvais temps, elle connaissait, et elle réussit à trouver « delicious » les sarmas, feuilles de choux aigres – mais vraiment aigres ! – garnies d’une farce qui l’était tout autant, alors que ses deux compagnons faisaient la grimace.
    — Si tu tiens à garder ton Théobald qui te fait la vie si douillette, n’épouse jamais cette fille ! Tu verrais disparaître ton fidèle valet-cuisinier dans un nuage de poussière… chuchota Morosini tandis qu’Hilary était partie « se repoudrer » dans un infâme cabinet « à la turque » dont les murs présentaient plus de taches suspectes et de graffitis que de miroirs…
    — Je n’ai jamais eu envie de me marier !
    — Ça pourrait venir ! Elle est très convaincante !
    Quand on atteignit Sighishoara, la neige recouvrait le pays qui, avec ses forêts de sapins, ses vieux châteaux assoupis sur les contreforts des Karpates et ses petites fermes en bois isolées au bout de chemins aux profondes ornières ressemblait tellement à une carte postale de Noël qu’Hilary, enchantée, battit des mains comme une petite fille :
    — On se croirait chez nous au temps jadis ! soupira-t-elle presque émue.
    — J’espère, fit Aldo d’une voix caverneuse, que vous continuerez à vous y croire mais j’en doute !
    Pourtant elle n’avait pas tout à fait tort. Si le côté anglais n’était pas évident, l’impression de remonter le temps était frappante dès que l’on eut tourné le dos à la ligne du chemin de fer. Perchée sur un éperon dominant la Tirnava Mare, Sighishoara et ses neuf tours de défense restituaient avec une étonnante exactitude une hautaine cité médiévale enfermée dans ses murailles et dédaignant les constructions sans âge de la ville basse agenouillée à ses pieds. Le charme fut plus puissant encore lorsque l’on eut franchi la porte fortifiée débouchant sur une placette abritée d’un grand arbre défeuillé : rues tortueuses, pentues, tapissées de gros pavés inégaux, bordées de maisons vénérables dont les grands toits montraient leurs tuiles brunes autour des cheminées, là où la neige ne s’accrochait pas encore, passages sombres qui, la nuit, devaient être inquiétants, portes basses et profondes, escaliers couverts en bois noirci par le temps menant au point culminant de la cité : une église gothique au clocher à bulbe discret étendant sa protection sur un cimetière où les tombes se cachaient sous un fouillis de végétation noircie…
    — Ça a l’air assez grand, marmotta Vidal-Pellicorne, et on n’a pas beaucoup de renseignements. Tu crois qu’on va trouver la personne avec qui nous devrions traiter ?
    — D’abord, se loger ! Un hôtel a toujours été le meilleur centre de renseignements…
    Celui qu’on leur avait indiqué à la gare portait le nom allemand de « Zum Goldene Krone » qui les soulagea grandement en leur faisant découvrir que, dans cette partie du pays, on parlait cette langue au moins autant que le roumain que ni l’un ni l’autre ne connaissait. En effet au cours des siècles, les Saxons s’étaient fortement implantés en Transylvanie qu’ils partageaient avec les Valaques et les Hongrois. Circonstance qui allait aplanir pour les deux amis les plus grosses difficultés de communications.
    L’hôtel se situait dans la

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