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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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partie haute de la ville et offrait un certain confort en ce sens qu’il possédait nombre de poêles en faïence et des doubles fenêtres. C’était une belle maison ancienne, datant du XVI e siècle environ, mais qui aurait eu besoin de quelques travaux. Otto Schaffner, le patron, y régnait sur une dizaine de chambres et une grande salle prolongeant la cuisine, lourdement voûtée, où l’odeur de bière se mêlait à celle du tabac refroidi. Massif, rougeaud, bâti comme un ours, il commandait à deux garçons qui lui ressemblaient en plus petit, à une vieille cuisinière qui, elle, ressemblait à n’importe quelle sorcière de conte fantastique et à un quarteron de filles qu’à leurs jupons bariolés, leur teint bistré et leurs yeux de feu on devinait appartenir à l’une ou l’autre de ces tribus tziganes dont, en arrivant, on avait remarqué les campements et les feux de cuisine aux abords de la ville. Elles étaient belles, ces filles, fières et arrogantes même. Pas du tout le style servantes d’auberge et Morosini, ayant croisé au passage une œillade inviteuse, se demanda un moment si cette maison était seulement un hôtel ou un lieu fort peu convenable pour une jeune lady fraîchement émoulue du British Muséum. Ayant remarqué son froncement de sourcil, Otto Schaffner, impressionné au demeurant par son titre princier, alla au-devant de ses questions :
    — Ne craignez rien. Altesse, mon auberge est une maison sérieuse. Ces filles sont des tziganes mais elles ne s’occupent pas des chambres et sont là uniquement pour servir. J’en emploie tous les hivers quand les tribus se réfugient près de la ville pour attendre le printemps. Elles attirent la clientèle parce qu’elles sont belles à regarder et savent chanter et danser.
    — Qui s’occupe des chambres ?
    — Mes deux garçons ! Avec eux vous n’avez pas à craindre les vols. J’espère que vous vous plairez chez nous…
    C’est une question qu’il aurait fallu poser à Hilary. Lorsque l’on descendit pour le dîner et que son regard bleu se posa sur la salle où moutonnaient des dos d’hommes, vêtus de cuir brodé de couleurs vives ou de peau laineuse retournée entre lesquels voltigeaient des filles en oripeaux bariolés portant des chopes ou des pots au milieu d’un vacarme de voix et de rires soutenus par deux violons frénétiques, elle eut un mouvement de recul qu’Adalbert retint gentiment :
    — Eh non, ce n’est pas l’enfer. C’est simplement un endroit où les hommes viennent, après le travail, se détendre et s’amuser. Et il paraît qu’on y mange bien…
    C’était vrai. La cuisinière d’Otto qui était valaque ne s’obnubilait pas sur la choucroute saxonne et savait préparer d’excellents plats roumains. On dégusta une roborative soupe aux abattis de dinde, suivie d’un poulet à la broche avec des « mititei », petites saucisses de bœuf tendre assaisonnées d’ail et d’herbes aromatiques, le tout accompagné de l’inévitable « mamaliga », plat de semoule cuite à l’eau jusqu’au durcissement avec du beurre et du fromage. On termina par un millefeuilles à la purée de pommes, arrosé d’un bon vin rouge de Cotnari, après quoi le patron tint à leur offrir la « tsuica », une eau-de-vie de prune que l’on boit dans des carafes miniatures à longs cols dont on met l’extrémité dans la bouche. À la suite de tout cela, le regard bleu d’Hilary avait perdu beaucoup de sa sévérité et gagné une expression vague mais débonnaire. Elle applaudit même les musiciens qui vinrent exécuter près d’elle une « doïna », l’une de ces obsédantes cantilènes roumaines qu’on ne retrouve dans aucun autre folklore… Après quoi elle consentit à ce qu’on la raccompagne jusqu’à sa chambre où le poêle entretenait une douce chaleur mais, une fois la jeune fille rentrée chez elle, Aldo et Adalbert redescendirent. Le moment leur paraissait venu de poser quelques questions à Schaffner. Une fois de plus, le vieux truc du livre en préparation allait servir. Ce fut Adalbert qui attaqua :
    — Je suis historien, dit-il, et nous préparons, le prince et moi, un ouvrage sur les grandes figures de l’histoire roumaine…
    — Vous allez parler de notre roi Ferdinand que Dieu nous garde ?
    — Dans un autre livre peut-être, fit Adalbert pour ne pas décevoir le bonhomme, et nous comptons lui dédier celui-là…
    — Auquel il s’intéresse

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