Les fleurs d'acier
Il est des successions dont la brièveté surprend ; des familles qui soudain dégénèrent et s’éteignent alors que la vigueur et le nombre de leurs composants semblaient garantir leur croissance et leur pérennité. Ces troublantes disparitions apparaissent évidemment, dans l’histoire des nations, comme la juste punition des excès perpétrés par ceux-là même qui avaient fondé de solides espoirs sur leur descendance. Ainsi Philippe IV le Bel, géniteur béni du Ciel puisqu’il avait engendré trois fils capables d’assurer son remplacement sur le trône de France. Or, contrairement à ses vœux, la couronne des Capétiens qu’il avait si fièrement portée ceignit relativement vite, après son décès, des têtes imprévues. Elles ne valaient guère mieux que celles de sa lignée. De même que le sien, les règnes de tous ses continuateurs – héritiers légitimes et autres – furent éclaboussés de sang.
Il avait souhaité que la France fût grande. À sa mort vraiment inattendue, le 29 novembre 1314, il laissait un royaume fort mais pantelant. Il avait muselé les barons téméraires et vaincu péniblement ces tisserands et ce menu peuple des Flandres que sa femme, Jeanne de Navarre, détestait. Il avait harcelé l’Anglais en Aquitaine, maîtrisé la Papauté d’Avignon, spolié les Juifs, malmené les banquiers lombards, étouffé par la torture et l’emprisonnement les scandales de sa famille, dévalué la monnaie, accru les impôts, multiplié le nombre des sicaires, apaisé les révoltes au tranchant de l’épée, et pour conclure en apothéose ce règne où l’angoisse fut vice-reine, envoyé au bûcher des demi-saints dont il n’avait cessé de convoiter les richesses : les Templiers. Mariée le 25 janvier 1308 à Édouard II d’Angleterre, sa fille Isabelle avait, le 13 novembre 1312, donné le jour à un garçon : Édouard III.
On prétend que, de son bûcher, le Grand Maître du Temple, Jacques de Molay, maudit le despote à la beauté diabolique et l’assigna devant le tribunal de Dieu ainsi que ses complices et sa postérité. Même si le Ciel resta insensible et serein, ce potentat avait commis trop d’abus : la justice immanente imposa son verdict [1] .
À la mort de ce roi dit « de Fer », son fils aîné, Louis de Navarre, surnommé le Hutin en raison de son caractère querelleur, lui succéda. Au demeurant fou d’un bon tiers et incompétent des deux autres, il s’était laissé d’emblée dominer par son oncle, Charles de Valois, ambitieux pour lui-même et ses deux gars : Philippe et Charles. Couronné en 1314, mort le 5 juin 1316, le Hutin ne laissa aucun regret. Il avait donné une fille à sa première femme, Marguerite de Bourgogne, étranglée sur son ordre au Château-Gaillard où elle avait été incarcérée, bien avant qu’il ne régnât, pour avoir participé aux fêtes galantes de la tour de Nesle. Il engendra un fils avec sa seconde épouse, Clémence de Hongrie, lequel enfant mourut peu après sa naissance [2] .
Deuxième venu dans la géniture royale, Philippe V coiffa la couronne de France. Ce fut en sa faveur et au détriment de Jeanne, la fille du Hutin, que les états généraux exhumèrent d’un grimoire une loi des Francs saliens interdisant aux femmes l’accès à la souveraineté. Sous le règne de cet homme qu’on baptisa le Saige, le Borgne et le Long, et qui fut d’une longanimité douteuse, on persécuta les Vaudois, les Juifs et les lépreux. Il trépassa, le 3 janvier 1322, d’une entérite tuberculeuse ayant, à la longue, déterminé la cachexie dont parlent les chroniqueurs du temps. Son frère Charles IV, dit le Bel, lui succéda pour s’éteindre six ans plus tard, le 1 er février 1328, victime d’une maladie de nature inconnue.
Plus de Capétien mâle à couronner ! L’intrigant Robert d’Artois intervint : Charles IV ne laissait qu’une fille et l’espérance d’un successeur ? La régence serait assurée par Philippe, comte de Valois, dont le père, le fastueux Charles, était mort, le 16 décembre 1325, d’une lésion cérébrale. Cousin germain du défunt roi, le postulant était tout aussi ambitieux que son père. Au nom de la loi salique, lorsque Jeanne d’Évreux, veuve du monarque défunt, eut accouché d’une fille, Philippe, sacré à Reims le 29 mai 1328, accéda au trône et devint Philippe VI.
Édouard III d’Angleterre, seize ans mais d’une maturité assez
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