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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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liberté en France et la chape de plomb mise en place par les curés sur le Québec. Sa connaissance du vieux pays tenait à ses lectures. Au moment d’aller vérifier cela en personne, un naufrage avait jeté son corps sur les rives du Bas-Saint-Laurent.
    — Pour défendre la liberté et la civilisation que tu chérissais tant, poursuivit-il { voix basse, j’ai bien peur d’avoir commis moi-même quelques actions plutôt barbares.
    Les conversations tenues à sens unique ne pouvaient durer bien longtemps. Le jeune homme demeura un court moment silencieux. Avant de s’éloigner, il glissa encore entre ses dents :
    — Thalie se porte bien. Il s’agit de ta véritable fille, personne ne peut en douter. Elle serait prête à toutes les audaces afin de réaliser son rêve de devenir médecin.
    Continue de la surveiller de là-haut. En bousculant ainsi les convenances, elle risque d’attraper un mauvais coup, tôt ou tard. Protège-la bien.
    Mathieu n’avait pas assisté aux funérailles de la seconde personne à laquelle il entendait présenter ses respects et ne savait pas comment localiser sa tombe. Il erra longuement dans les allées du cimetière. La sépulture datait de quelques mois { peine, en conséquence il ne s’attardait qu’aux rectangles de terre
    récemment
    remués.
    Ceux-ci
    se
    révélaient
    toutefois nombreux, à cause de toutes les victimes de la grippe espagnole.
    Finalement, la vue d’un ambitieux monument tout neuf, orné d’anges, une trompette { la bouche, retint son attention. La pierre portait en lettres soulignées d’or : THOMAS

    PICARD 1866-1919. Parvenu, l’entrepreneur avait choisi ce cimetière plutôt que celui de la rivière Saint-Charles, plus populaire, où reposait sa première épouse. Ici, les voisins étaient plus distingués.
    «Pour la discrétion, c’est raté, grommela le visiteur. Pourquoi ne pas avoir inscrit aussi “Le roi du commerce de détail”?
    Des gerbes de fleurs flétrissaient lentement sous le soleil.
    « Dois-je t’appeler “ papa” ? »
    L’idée lui tira un ricanement mauvais.
    «Tu es parti un peu tôt, cela t’a soustrait { l’obligation de me donner des explications. Maintenant, je serais en âge d’avoir une petite conversation. Tes grands airs ne feraient plus une bien grande impression sur moi. »
    La scène de la veille lui revint en mémoire. Son statut ne lui valait pas une admiration unanime, mais il n’en avait cure. Les escarmouches le détournaient de ses idées noires. Après sa seconde rencontre avec Gertrude, il avait dormi comme un bébé.
    «Je parie que tu as un peu éparpillé la propriété du commerce. Ta femme et ta fille ont dû recevoir leur part.
    Je me demande si cela va me rendre les choses plus simples ou plus difficiles. Le grand-père Théodule avait créé un précédent en laissant l’essentiel de l’héritage { son fils cadet.
    Toi aussi, tu as oublié ton aîné. . »
    Comme des gens passaient dans une allée toute proche, Mathieu se tut un moment, puis il chuchota encore :
    «Tu vois, je ne renonce pas { l’idée de m’asseoir un jour dans ton fauteuil. »
    Comment réaliser ce projet? Il n’en avait pas la moindre idée. Après un salut militaire plein d’ironie, l’ancien combattant du 22e bataillon tourna les talons pour rejoindre le chemin Sainte-Foy. Il entendait faire cette fois tout le trajet

    { pied, quitte { s’arrêter manger dans un petit restaurant du faubourg Saint-Jean avant de réintégrer son domicile.

    *****
Le soir venu, le sommeil se dérobait toujours. Pour ne pas s’exposer encore { une mauvaise rencontre, Mathieu se résolut à piller la réserve de sherry maternelle. Une fois dans le couloir, il changea d’idée et frappa doucement { la porte de la chambre de sa sœur. Enfant, elle se livrait déj{
    à de longues veilles. Le « Oui » étouffé lui indiqua que cela demeurait toujours son habitude.
    En ouvrant, il aperçut la petite silhouette blanche de sa robe de nuit près de la fenêtre. Refermant avec délicatesse pour prévenir le claquement du pêne dans son logement, il murmura, un peu amusé :
    — Quand tu es à Montréal, je me demande comment Québec peut continuer à vivre, soustrait à ta surveillance.
    — C’est toujours un peu intrigant, n’est-ce pas ? Les choses et les gens continuent d’exister sans nous. A notre retour, on les retrouve à la fois semblables et totalement différents.
    — Tu sembles parler de Françoise. . De ma relation avec

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