Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
civil, réclamer la liberté de tester, en bon
Français, le rétablissement du droit d’aînesse, etc., ce sont là de
ces choses qu’on peut tenter d’accomplir dans l’ombre, quand on a
le pouvoir, mais que l’on ne doit pas avoir la naïveté de demander
publiquement à l’avance !
Le souverain improvisé qui, plagiaire de Louis
XIV, voudrait se faire l’exécuteur des hautes œuvres de l’Église
catholique, serait peut-être, dès le premier jour, tué par l’arme
irrésistible du ridicule ; peut-être, au contraire, avant de
franchir la frontière en toute hâte, aurait-il multiplié les ruines
et fait couler les flots de sang.
Dans un cas comme dans l’autre, et quelque mal
qu’il eut pu faire à la France, il se trouverait des
sous-Massillon
pour le louer de ne pas s’être laissé
arrêter dans, son entreprise par les vues timides de la sagesse
humaine, et des
sous-Veuillot
pour affirmer que les
victimes de son intolérance ne sont pas à plaindre, mais que c’est
lui qui, comme, Louis XIV, a été le vrai martyr, parce qu’il a
sacrifié à sa foi la prospérité de son royaume.
Je termine ce travail, au moment où le
bicentenaire de l’édit de révocation vient de rappeler à la mémoire
de tous ; cette année 1685, si cruelle pour les défenseurs de
la liberté de conscience, ainsi que le montrait le célèbre ministre
Dubosc,
l’homme de mon royaume qui parle le mieux
, disait
Louis XIV, lorsqu’il écrivait de la terre d’exil :
« Quelle année, pour nous autres réfugiés ! Une année qui
nous a fait perdre notre patrie, nos familles, nos parents, nos
amis, nos biens ; une année qui, par un malheur encore plus
grand, nous a fait perdre nos églises, nos temples, nos
sanctuaires. Une année qui nous a jetés ici, sur les bords de cette
terre qui nous était inconnue, et où nous sommes comme de pauvres
corps que la tempête a poussés par ses violentes secousses.
Oh ! année triste entre toutes les années du
monde ! »
Une restauration monarchique ne serait rien
autre chose aujourd’hui qu’une restauration religieuse ; ainsi
que le proclame M. Cazenove de Pradine, elle imposerait à la
France les frais de la béatification d’un martyr aussi peu à
plaindre que Louis XIV, et l’on pourrait dire de 1885 comme de
1685, que, c’est une année triste entre toutes les années du
monde.
Chapitre 1 L’ÉDIT DE NANTES
Crois ce que je crois ou meurs
.
–
L’Église Ponce Pilate
.
– L’Église opportuniste
.
–
Plan de Louis XIV
.
– Patience de Huguenot
.
– La
parole du roi
.
– Absence de sens moral
.
–
Marchandage des consciences
.
– Les mendiants de la
cour
.
– La curée
.
– L’édit de révocation jugé par
Saint-Simon.
Le jour où le huguenot Henri IV, faisant le
saut périlleux, était passé du côté de la majorité catholique,
estimant que Paris valait bien une messe, il avait imposé à cette
majorité une grande nouveauté,
la tolérance
; par
l’édit de Nantes, déclaré perpétuel et
irrévocable
, un
traité solennel de paix avait été passé entre les catholiques et
les protestants de France, sous la garantie de la parole du roi.
Cet édit, grande charte de la liberté de conscience sous l’ancien
régime, donnait une existence
légale
à la religion
protestante, religion
tolérée
, en face du catholicisme, la
religion
dominante
du royaume.
Par cet édit, le pouvoir civil s’élevait
au-dessus des partis religieux, posant des limites qu’il ne leur
était plus permis de franchir sans violer la loi de l’État. C’était
là une grande nouveauté, puisque depuis bien des siècles chacun des
princes catholiques de l’Europe disait à ses sujets : crois ce
que je crois, ou meurs, massacrait, envoyait au gibet ou au bûcher
ceux que l’Église lui dénonçait comme hérétiques. Ces princes
n’étaient que les dociles exécuteurs des hautes œuvres de cette
Église intolérante, qui fait aux princes chrétiens un devoir de
fermer la bouche à l’erreur
, et, parlant des hérétiques,
dit, par l’organe du doux Fénelon :
il faut écraser les
loups !
Bossuet, lui-même, affirme ainsi le droit des
princes,
à forcer
leurs sujets au vrai culte, et à punir
ceux qui résistent aux moyens violents de conversion :
« En quel endroit des écritures, dit-il, les schismatiques et
les hérétiques sont-ils exceptés du nombre de ces
malfaiteurs
, contre lesquels saint Paul dit que Dieu même
a armé
les princes ?
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