Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
haut la réalisation de ses désirs, et sa patiente
attente dure jusqu’à ce qu’elle trouve dans la puissance temporelle
un secours efficace
.
Entre temps elle ne laisse pas échapper une
occasion de se rapprocher peu à peu de son but, en limitant
habilement ses exigences apparentes, et en les mettant au niveau
des possibilités du moment. C’est ainsi que le clergé de France se
comporta vis-à-vis de l’édit de Nantes et, le détruisant pièce par
pièce, finit par obtenir sa révocation ; en sorte qu’Élie
Benoît a pu résumer ainsi l’histoire de ce mémorable édit. Elle
embrasse le règne de trois rois, dont le premier a donné aux
réformés un édit et des sûretés, le second leur ôta les sûretés, et
le troisième a cassé l’édit.
Le clergé se borne d’abord à mettre dans la
bouche de Henri IV ce vœu timide et discret en faveur du retour du
royaume à l’unité religieuse : « Maintenant qu’il plaît à
Dieu de commencer à nous faire jouir de quelque meilleur repos,
nous avons estimé ne le pouvoir mieux employer qu’à vaquer, à ce
qui peut concerner la gloire de son saint nom, et à pourvoir à ce
qu’il puisse être adoré et prié par tous nos sujets, et, s’il ne
lui a plu
que ce fut encore dans la même forme
, que ce
soit au moins dans une même intention. »
Quant à Louis XIII, pour se mettre à l’abri
des reproches que lui adressaient des catholiques fanatiques à
l’occasion du serment qu’il avait prêté lors de son sacre,
d’exterminer les hérétiques
, il trouvait ce singulier
subterfuge de défendre par un édit de qualifier
d’hérétiques
ses sujets protestants ; ceci ne
rappelle-t-il pas l’habileté gasconne de frère Gorenflot, baptisant
carpe, le poulet qu’il veut manger un vendredi, sans commettre de
péché.
Après avoir privé les protestants de leurs
places de sûreté, Louis XIII ne dissimule pas son désir de les voir
revenir au culte catholique, mais comme le pape en 1877, il déclare
ne compter que sur l’intervention d’en haut pour faire disparaître
l’enseignement et les temples protestants. « Nous ne pouvons
[ [1] ], dit-il, que nous ne désirions la
conversion de ceux de nos sujets qui font profession de la religion
prétendue réformée… nous les
exhortons
à se dépouiller de
toute passion pour être plus capables de recevoir la lumière du
ciel, et
revenir au giron de l’Église
. »
S’il déclare qu’il se borne à attendre cette
conversion
de la bonté de Dieu
, c’est « parce qu’il
est trop persuadé, dit-il, par l’exemple du passé, que les remèdes
qui ont eu de la violence
, n’ont servi que d’accroître le
nombre de ceux qui sont sortis de l’Église ».
Louis XIII avait raison, car, ainsi que le
rappelle en 1689 le maréchal de Vauban « après les massacres
de la Saint-Barthélemy (un remède
qui avait eu de la
violence
), un nouveau dénombrement des huguenots prouva que
leur nombre s’était accru de cent dix mille ».
Louis XIV était loin, même dès le début de son
règne, de croire à l’inefficacité de la violence en pareille
matière, ainsi qu’en témoigne ce passage des mémoires du duc de
Bourgogne :
« Il arriva un jour que les habitants
d’un village de la Saintonge, tous catholiques,
mirent le
feu
à la maison d’un huguenot qu’ils n’avaient pu empêcher de
s’établir parmi eux. Le roi (Louis XIV), en condamnant les
habitants du lieu à dédommager le propriétaire de la maison, ne put
s’empêcher de dire que ses prédécesseurs auraient épargné bien du
sang à la France, s’ils s’étaient conduits par la politique
prévoyante
de ces villageois, dont l’action
ne lui
paraissait vicieuse que par le défaut d’autorité
. »
Quoiqu’il en fût des sentiments
secrets
de Louis XIV, il affirma tout d’abord qu’il ne
voulait pas obtenir la conversion de ses sujets huguenots par
aucune rigueur nouvelle, et pendant la première partie de son
règne, il s’appliqua assez exactement à suivre la règle de conduite
que l’évêque de Comminges lui avait tracée, en lui transmettant les
vœux de l’assemblée, générale du clergé : « Nous ne
demandons pas à Votre Majesté, disait ce prélat
opportuniste
,
qu’elle bannisse dès à présent
cette malheureuse liberté de conscience, qui détruit la véritable
liberté des enfants de Dieu,
parce que nous ne croyons pas que
l’exécution en soit facile
; mais nous souhaiterions au
moins que le
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