Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
l’Église. En effet, pour tenter quelque chose
contre la démocratie, chaque parti monarchique est impuissant par
lui-même, il est donc dans l’obligation de s’assurer
à tout
prix
l’appui de l’Église si bien organisée pour la lutte,
appui sans lequel il ne peut rien. En d’autres termes la monarchie
en France sera cléricale ou elle ne sera pas, elle devra donc
subordonner son pouvoir à celui de cette Église dont le syllabus
est une véritable déclaration de guerre à tous les principes sur
lesquels repose la société moderne.
Que s’est-il passé au mois d’octobre
1885 ? Les candidats monarchistes se sont bien gardés de
montrer le plus petit coin de leur drapeau, et, sans demander aux
électeurs de manifester leurs préférences pour telle ou telle
dynastie, ils se sont bornés, qu’ils fussent bonapartistes,
légitimistes ou orléanistes, à protester à l’envi de leur
dévouement à la cause de l’Église. Il est vrai que dans les petits
papiers anonymes distribués par le clergé à profusion, on disait
aux électeurs des campagnes que voter pour les républicains, qui
veulent assujettir les séminaristes au service militaire, c’était
voter
pour le Démon
, tandis que nommer les monarchistes,
partisans
masqués
de la théocratie, c’était voter pour
Jésus-Christ.
Mais
les politiques
, comprenant
qu’une telle plate-forme électorale n’avait aucune chance de succès
devant le pays, ont tenté d’obtenir une surprise du scrutin, en
posant aux électeurs cette question : voulez-vous qu’on
renonce à une politique qui a provoqué la crise agricole et
industrielle dont vous souffrez, et qui, par les dépenses exagérées
et les expéditions lointaines, a mis le désordre dans les finances
publiques ?
Le suffrage universel ainsi consulté, a nommé
deux cents de ceux qui lui signalaient le mal, non parce qu’ils
étaient artisans de la monarchie, mais parce qu’il a cru qu’ils
seraient plus aptes que d’autres à guérir les maux qu’ils
signalaient.
Mais, dès le lendemain de leur élection, ces
partisans de la théocratie ont jeté le masque et annoncé
tranquillement aux électeurs, de quelle singulière façon ils
comptaient remplir le mandat qu’ils venaient de recevoir, le mandat
de rendre aux pays sa prospérité et de rétablir le bon ordre dans
nos finances.
« Nous n’avons pas combattu, ont-ils dit,
pour telle ou telle politique, mais pour jeter bas la
république :
nous ne l’avons pas dit comme candidats
,
mais maintenant nous n’avons plus à
nous gêner
. Nous
rendrons tout ministère impossible jusqu’à ce qu’on dissolve la
Chambre ; si, après la dissolution, les monarchistes
reviennent en majorité à la Chambre, ils jetteront le sénat par la
fenêtre, si le sénat s’avise de s’opposer à leurs desseins
révolutionnaires. Peut-être même, ont-ils ajouté, alors que les
monarchistes sont encore en minorité, à la chambre des députés
comme au sénat, faudra-t-il, pour hâter la chute de la République,
la pousser avec la crosse d’un fusil ou le fer d’une
fourche. »
Il est fort à présumer que si la minorité
monarchiste haussait demain son courage jusqu’à l’audace d’un coup
de main, elle n’aimait pas à se féliciter de l’avoir fait. À je ne
sais quel gascon de Bruxelles qui menaçait de faire envahir la
France par l’armée belge, on se bornait à répondre :
et
les douaniers !
De même aux monarchistes qui parlent de
mettre le pied sur la gorge de la République, on peut
répondre :
et les gendarmes !
Mais il faut
admettre toutes les hypothèses. Si, par impossible, un des
prétendants à la couronne se trouvait violemment hissé sur les
débris du trône de France, qu’arriverait-il ?
Le nouveau souverain, roi ou empereur, ne
pouvant rien sans l’Église, mis, par elle, en demeure de rendre au
régime catholique la puissance des anciens jours, ne tarderait pas
à succomber dans sa vaine tentative de ressusciter un passé mort et
bien mort. La preuve la plus péremptoire de la certitude de l’échec
qui l’attendrait, c’est l’accueil fait par les monarchistes
eux-mêmes, à la proposition imprudemment faite par Mr de Mun de
constituer une ligue politico-religieuse pour préparer la
restauration du gouvernement des curés. Considérer comme un droit
de l’Église, l’exemption du service militaire pour les
séminaristes, imposer le repos du dimanche, substituer le mariage
religieux au mariage
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