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Les joyaux de la sorcière

Les joyaux de la sorcière

Titel: Les joyaux de la sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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trémières, où il logeait. La nuit ne s’était pas contentée de chasser le soleil, elle avait aussi amené une pluie fine, presque impalpable mais obstinée et pénétrante comme il en venait sur Venise au printemps. Et maintenant il faisait presque froid. Cela ne déplut pas au promeneur solitaire qui alla prendre un ciré au portemanteau de son logis avant de descendre au port déserté par les estivants, les badauds et la fermeture des boutiques, ce qui lui rendait son identité. Les rares enseignes lumineuses laissaient la vedette au petit phare dont le rayon blanc balayait l’eau noire de la baie.
    Col relevé, les mains au fond des poches, semblable à n’importe quel marin attardé, il marcha lentement jusqu’au Médicis , s’assit sur un bollard d’amarrage et resta là à regarder le yacht comme s’il pouvait en extraire des réponses aux questions qu’il se posait, la première étant : qu’est-ce que Margot la Pie venait faire à Newport sous l’aspect lisse et rassurant d’une jeune amie d’un vieux couple de riches ferrailleurs ? Quand on la connaissait, il n’y avait qu’une réponse : se livrer à son habituelle industrie et ramasser une ample moisson de bijoux de prix. Peut-être pas chez ceux qui l’hébergeaient mais sans doute dans les fastueuses demeures d’alentour à l’occasion des fêtes, bals et autres réceptions où elle comptait se faire emmener. Il est vrai qu’une fois la société des 400 réunie, il y aurait de quoi combler pour un moment son appétit. Restait à savoir chez qui elle avait l’intention de faire son marché.
    Une réponse se présenta à lui, née du nom « Médicis » étalé sous ses yeux mais Hilary – il aurait du mal à l’appeler autrement ! – devait tenir à jour sa liste des collectionneurs de joyaux prestigieux et Aloysius Ricci n’en avait jamais fait partie. Donc elle n’avait aucune raison de s’intéresser à lui…
    Une idée soudaine lui traversa l’esprit et le fit sourire : il ne saurait y avoir de bonne « Season » à Newport sans les Astor – un ou deux membres du clan tout au moins ! – et si d’aventure la belle Alice rappliquait avec son nouveau toutou favori, il pourrait être amusant de voir la tête d’Adalbert coincé entre ses nouvelles amours et les anciennes ? Et si par hasard, Hilary était au courant du collier de Tout-Ank-Amon, la conjoncture vaudrait son pesant d’or…
    Un chapelet de jurons italiens tira Aldo de ses réflexions. Derrière lui, un homme vêtu de noir mais dont il était impossible de distinguer le visage sortait – ou bien était-il éjecté ? – d’un de ces bars de port, si toniques jadis et où il n’était plus possible de ne boire que du café, du thé, du lait, de la limonade et autres boissons sans alcool. Ce dont, d’ailleurs, l’homme se plaignait :
    — Foutu pays !… hic !… On ne peut… même plus… avaler, hic !… un p’tit quelque chose pour… hic !… se remonter le moral !
    Si l’on en croyait son discours, l’inconnu l’avait déjà trouvé le « petit quelque chose » et n’était venu chercher là qu’un supplément de cuite. En s’approchant de lui, Aldo vit qu’il brandissait une bouteille vide mais comme son flot d’imprécations était proféré en italien, il alla l’attraper par un bras au moment où une embardée menaçait de l’envoyer se fracasser le crâne contre le mur d’une maison.
    — Hé ! Doucement. Où prétendez-vous atterrir ?
    Le reflet d’un des rares réverbères lui montra un visage brun et assez beau, mouillé mais plus par des larmes abondantes que par la pluie :
    — Boire ! répondit l’homme. Je veux… boire ! Encore… et encore !
    — Vous avez déjà bien assez bu et si vous continuez à brailler, vous allez vous faire arrêter. Où habitez-vous ?
    — … t’regarde pas !… Et puis j’habite plus… nulle part !
    Relevant la tête, il considéra Morosini d’un œil dubitatif mais pas trop glauque :
    — T’es qui, toi ?… Un… hic !… Un Sicilien comme moi ?… Non !… T’es pas… Sicilien. Tu parles pointu !
    Incontestablement il gardait dans son ivresse une part de lucidité comme tous ceux qui habitués à boire ne perdaient le sens qu’après de fortes libations.
    — Je suis Italien quand même, admit Aldo renonçant pour l’occasion à son distinguo préféré. Le fait que son ivrogne soit Sicilien l’intéressait et il demanda « Comment

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