Les joyaux de la sorcière
qu’Aldo d’autant plus résigné qu’il grillait de curiosité se chargeait des objets de toilette et de ce matériel de peintre qui lui avait si peu servi.
En quelques moments tout fut réglé, la chambre vidée, et Aldo embarqué dans la Packard qui démarra sur les chapeaux de roues faisant fuir un chat attardé et plaquant le pasteur contre le mur du musée. Cramponnée à son volant, Pauline, le sourcil froncé, bouche pincée, regardait droit devant elle conduisant le pied au plancher comme si sa vie en dépendait. Ce fut seulement quand elle embouqua la belle avenue sablée contournant une immense pelouse unie comme du velours qui menait à Belmont Castle qu’elle se détendit, ralentit afin d’éviter un groupe de trois sycomores ombrageant une sorte de salon de jardin. Un instant plus tard, elle arrêtait son bolide devant une assez bonne copie du château de Maisons-Laffitte.
— Ouf ! Sauvés ! émit-elle en couvant son passager d’un regard satisfait. Vous voilà chez nous et là plus rien à craindre !
— Craindre quoi ? Sauvé de quoi ? Vos propos tiennent de la poésie lettriste, ma chère Pauline ! C’est de l’hermétisme à l’état pur pour moi.
Des domestiques accouraient pour ouvrir une portière qu’Aldo avait déjà enjambée et prendre les bagages cependant qu’un maître d’hôtel cérémonieux s’inclinait devant l’invité avant de le précéder dans le « vestibule » où celui-ci retrouva avec stupeur le décor exact du modèle français : les quatre aigles aux ailes déployées dans les angles, les quatre bustes dans le goût antique entre lesquels on avait placé de grands paysages italiens. Si l’écho aigrelet d’un banjo jouant un air à la mode n’avait flotté dans l’atmosphère Aldo se fût attendu à voir paraître Louis XIII, le cardinal de Richelieu ou d’Artagnan mais ce qui vint – en courant – ce fut un personnage en maillot de bain, bleu de froid et grelottant sous une vaste serviette blanche qui lui lança un bonjour nasillard, et se précipita dans l’escalier en éternuant.
— Mon frère, John-Augustus ! présenta Pauline. Quand il est ici, il passe la moitié de son temps dans l’eau quelle que soit la température ou dessus. Or comme les fortes chaleurs n’ont pas l’air de s’annoncer, il risque de se retrouver au lit avec une bonne bronchite. Venez, je vais vous montrer votre chambre.
Celle-ci était ce que l’on pouvait attendre dans une telle demeure : vaste, tendue de tapisseries avec lit à colonnes, cabinet florentin, fauteuils à hauts dossiers montant la garde devant une cheminée imposante mais remplie pour l’heure des fusées jaunes d’un genêt fleuri. Par la porte-fenêtre ouverte sur le balcon à balustres on découvrait une autre partie des jardins – qui eux n’avaient rien à voir avec les parterres de Le Nôtre – et ceux de la propriété voisine, une somptueuse demeure, elle aussi dans le goût français, mais avec un siècle de moins. Il y régnait une activité intense au milieu de laquelle se remarquaient des uniformes et deux voitures de police.
Naturellement, Aldo qui avait jeté un coup d’œil machinal au-dehors demanda ce qui se passait.
— Ça, dit Pauline qui l’avait rejoint à la fenêtre, c’est Beaulieu, la propriété d’Ava Astor qu’elle a laissée à ses enfants afin de garder Beachwood qui se situe de l’autre côté. Notre amie Alice y est arrivée hier à bord du yacht fraternel et en compagnie de votre ex-meilleur ami ainsi que des Ivanov dont vous vous souvenez peut-être.
— En dehors du fait que j’ai une excellente mémoire la traversée n’est pas si loin, baronne. Mais pourquoi la présence de la Police ? J’espère, ajouta-t-il avec un bizarre pincement au cœur, qu’il n’est rien arrivé de grave ?
— Pas à ce point-là mais pour Alice c’est une véritable catastrophe : on lui a volé le collier de Tout-Ank-Amon.
— Encore ? Lorsque nous étions tous à Londres, on le lui avait déjà piqué mais Gordon Warren l’a récupéré et c’est pour protéger ce précieux trésor qu’elle a repris le chemin des États-Unis.
— Pour une réussite c’est une réussite mais vous ne savez pas encore tout. Le collier a été retrouvé… dans les affaires de votre ex-meilleur ami et, il y a une heure, le shérif Dan Morris qui, entre parenthèses déteste les Français, s’est fait un immense plaisir de l’arrêter. Il paraît qu’il
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