Les joyaux de la sorcière
bureau dans un ministère prend des allures de futur ministre. Si vous aviez connu Violaine avant son mariage, elle était charmante…
— Elle l’est toujours.
— Oui mais tellement repliée sur elle-même !… et puis tellement mal habillée !
La marquise faillit s’étrangler :
— Parce que vous, Plan-Crépin, tortillée comme vous êtes, vous vous considérez comme l’élégance faite femme ?
— Moi je n’ai rien à mettre en valeur. Elle si !
Aldo alla prendre la vieille fille par les épaules pour la considérer de haut en bas.
— Je n’en suis pas si sûr, moi ! Il faudra que je dise à Lisa de s’occuper de vous un de ces jours. C’est la spécialiste des transformations de chrysalides en papillons et vice versa…
— Chacun son style, émit la demoiselle devenue aussi rouge qu’un piment bien mûr… et chaque chose en son temps. Nous en étions au portrait de Madame d’Ostel et aux bijoux qu’elle porte.
— C’est justement ce qu’il faudrait savoir, coupa Madame de Sommières. D’où sortent-ils et où sont-ils puisque le notaire jure ne les avoir jamais vus ?
Aldo s’assit sur l’une des chaises en rotin, tira soigneusement le pli de son pantalon, prit une cigarette dans son étui d’or armorié et, songeur, la tapota un moment sur la surface brillante.
— D’où ils sortent ? De chez les Médicis je pense. C’est ce que m’inspirent la manière et l’époque mais je n’arrive pas à mettre un nom dessus bien que je sois persuadé de les avoir déjà vus. La croix tout au moins…
Sa grand-tante lui dédia un regard étonné :
— Où est donc ton infaillible mémoire ?
— En vacances peut-être ? Ou alors je vieillis, soupira Aldo avec un coup d’œil à un miroir voisin qui lui renvoyait les deux « pattes de lapin » argentées de ses tempes. Toujours est-il que j’ai un trou…
— Bon, passons pour la provenance ! Les Médicis c’est déjà pas mal. À présent où peuvent-ils être ?
— Comment voulez-vous que je le sache ? Madame d’Ostel les a peut-être cachés quelque part… Dieu sait où ? Ou elle les a donnés ? Ou vendus en sous-main ?
— Je n’y crois pas ! intervint Marie-Angéline. Si elle n’aimait pas son neveu elle avait beaucoup d’affection pour Violaine. C’est la raison pour laquelle ses bijoux lui ont été légués…
— Comme, de toute façon, ils entraient dans la communauté elle a sans doute voulu éviter que le mari les vende : ce qu’il a l’intention de faire si je ne retrouve pas les autres. Il voulait déjà envoyer aux enchères ceux dont sa femme a hérité.
— Tu vas les rechercher ?
— Eh oui, Tante Amélie ! À la seule condition qu’il ne touche pas aux quelques pièces que cette malheureuse jeune femme a reçues et qui lui tiennent déjà tellement à cœur. Alors après déjeuner je vais aller voir le notaire pour essayer d’en savoir plus… et à propos de déjeuner, pouvez-vous me dire ce que fait ma femme ? ajouta-t-il avec un coup d’œil à son bracelet-montre.
— Voilà, voilà ! J’arrive ! s’écria une voix joyeuse accompagnée du claquement de hauts talons sur le parquet du salon voisin.
Et Lisa Morosini fit son entrée, silencieusement applaudie par trois sourires béats tant elle respirait la joie de vivre. Toute la fraîcheur d’un printemps parisien entrait avec cette longue jeune femme suprêmement élégante dans un tailleur gris beaucoup trop simple pour n’avoir pas coûté fort cher chez Jeanne Lanvin, son couturier favori. Sa souple chevelure d’un roux doré supportait un minuscule chapeau de feutre blanc poignardé d’une plume-couteau verte comme les gants et le sac en lézard, insolente comme le petit nez à la Roxelane où s’attardaient quelques éphélides réduites à néant par le voisinage d’un magnifique regard sombre, d’une rare teinte violette. Elle tenait dans ses bras un grand bouquet de tulipes jaunes et de lilas blanc qu’elle précipita dans ceux de Marie-Angéline.
— J’ai trouvé ça chez Lachaume, dit-elle, et je crois me souvenir que vous adorez ces couleurs-là !
— Il ferait beau voir qu’elle ne les aime pas, ricana la marquise. Celles du Pape ! En tout cas c’est ravissant !
Rouge de joie, Marie-Angéline emporta ses fleurs pour les mettre dans un vase tandis que Lisa embrassait la vieille dame avant de se tourner vers son époux qui l’étreignit sans plus de façons et manqua
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