Les murailles de feu
de Feu, mais sur dix mille alignés sur huit rangs de profondeur. C’était une invincible marée de bronze et d’écarlate. Le courage des Perses ne fut pas de taille à l’emporter sur celui des Lacédémoniens qui défendaient, avec leur magnifique discipline, la liberté de leur nation. Je pense qu’aucune armée au monde n’aurait pu résister à leur assaut.
Nous haletions encore après le massacre quand mon poste d’historien, à l’intérieur de l’enceinte perse, fut pris d’assaut par deux bataillons d’hilotes armés sous le commandement du général Spartiate Pausanias. Leurs ordres étaient de n’épargner personne. Ils massacrèrent tout Asiate à leur portée. Je m’élançai alors et je criai en grec, priant les vainqueurs de nous épargner. Mais la terreur que les Orientaux, même vaincus et démantelés, inspiraient aux Grecs était telle qu’ils n’y firent pas attention et poursuivirent leur massacre. Peut-être inspiré alors par le dieu Ahoura Mazda ou par la seule peur, je me trouvai criant de mémoire les noms des Spartiates cités par Xéon, Léonidas, Dienekès, Alexandros, Polynice, le Coq. Instantanément les hilotes levèrent leurs épées. Le carnage cessa.
Des officiers hilotes vinrent rétablir l’ordre parmi leurs hordes. Je fus ligoté et jeté aux pieds d’un Spartiate, un guerrier magnifique encore maculé du sang et des traces du carnage. Les hilotes l’avaient informé des noms que j’avais criés. Il me regarda gravement et me demanda :
— Sais-tu qui je suis ?
Je répondis que je ne savais pas.
— Je suis Dekton, fils d’Idotychide. C’était moi que tu appelais quand tu as crié « le Coq ».
Je dois dire que la description du captif Xéon correspondait entièrement au personnage qui se dressait devant moi, splendide spécimen de la jeunesse et de la force, six pieds de haut, et dont la beauté et la prestance infirmaient la naissance et la condition modestes dont il s’était affranchi.
J’implorai sa miséricorde. Je lui parlai de son camarade Xéon, lui appris qu’il avait survécu aux Thermopyles grâce aux soins du chirurgien royal, et qu’il avait dicté le document grâce auquel j’avais appris les noms spartiates que j’avais criés.
Une douzaine d’autres Spartiates nous entouraient. Ils vitupérèrent le document qu’ils n’avaient pas vu et me traitèrent de menteur.
— Quelle fable sur l’héroïsme perse as-tu fabriquée, scribe ? me lança l’un d’eux. Un tissu de mensonges pour flatter ton roi ?
D’autres dirent qu’ils avaient bien connu Xéon, servant de Dienekès, et que c’était de l’effronterie de ma part que de citer leurs noms pour sauver ma peau. Pendant ce temps, Dekton restait pensif. Quand la colère des autres fut passée, il me posa une seule question, laconique : où donc avait-on vu Xéon pour la dernière fois ?
— Le capitaine Oronte a envoyé son corps avec les honneurs à ce temple d’Athènes dédié à la Perséphone Voilée.
Et là, Dekton leva la main pour demander la clémence.
— Cet étranger dit la vérité.
Les cendres de Xéon, confirma-t-il, avaient bien été remises à Sparte par une prêtresse du temple en question.
Les Spartiates me crurent. Ma vie fut épargnée. Je fus retenu à Platées à la garde des Alliés et traité avec considération et courtoisie pendant le mois qui suivit. Puis je fus nommé interprète aux Congrès des Alliés. À la fin, le document avait sauvé ma vie.
J e fus détenu à Athènes pendant deux étés en qualité d’interprète et de scribe. J’y assistai donc aux transformations extraordinaires qui s’y firent.
La cité ressurgit de ses ruines. Le port et les enceintes furent reconstruits avec une rapidité étonnante, ainsi que les bâtiments d’assemblées et de commerce, les places, les maisons, les boutiques, les marchés, les fabriques. C’était désormais d’audace et d’assurance que flambait la Grèce et en particulier Athènes. Les Grecs occupaient soudain le théâtre de la destinée. Ils avaient battu l’armée et la marine les plus puissantes de l’Histoire ; quelle entreprise pouvait donc les effrayer ?
La flotte grecque repoussa les navires de Sa Majesté vers l’Asie, libérant ainsi l’Égée. Le commerce fit florès et les marchandises du monde entier affluèrent à Athènes. Mais l’essor économique pâlissait auprès des effets de la victoire sur la population même. Le dynamisme emplit
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