Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
facilité d'apprendre, son imagination, mais en même temps l'on se plaint de sa légèreté, de son extrême répugnance à une application sérieuse, et de son goût pour le plaisir. L'on ajoute que la religion qu'il aime, qu'il estime et qu'il pratique le fait vaincre ses dangereux ennemis, mais que, si elle venait à s'affaiblir dans son cœur, rien ne pourrait le préserver de la corruption.»
Ainsi, dès l'âge de dix-sept ans, les traits principaux du caractère que nous connaîtrons plus tard à Lamartine : imagination, mangue d'esprit de suite, goût du plaisir et mobilité extrême des sentiments, sont nettement indiqués par ses professeurs.
Son premier mot, au retour du collège, fut pour supplier sa mère d'obtenir qu'on le gardât définitivement à Milly, puisque ses classes étaient terminées ; comme il était «extrêmement grand, mais très maigre», Mme de Lamartine, qui redoutait pour son fils le surmenage, se laissa presque ébranler. Elle se heurta au refus formel du père et surtout de l'oncle, dit-elle, qui tenaient beaucoup à le voir commencer l'étude des sciences. Il s'en consola avec assez de philosophie, dans ses lettres à Guichard, repoussant d'ailleurs autant qu'il le pouvait «toutes ces idées de collège pendant les vacances».
Après un repos d'un mois à Milly, à Saint-Point, à Pérone chez la tante de Villard où on lut chaque jour en famille, d'après lui, «une ou deux comédies et autant de tragédies», après les promenades à cheval, la chasse, la lecture, la musique et le dessin qui lui firent passer le temps «fort tranquillement», il quitta Milly le 22 octobre, et regagna Belley en passant par Lyon où il s'arrêta quelques jours.
À cette date, Mme de Lamartine a noté qu'il commençait ses travaux de l'année avec répugnance et découragement. La suite des événements prouve qu'il repartait pour Belley malgré lui et très décidé à n'y plus rester longtemps. Dès son retour, ce furent de ces lettres éplorées dont il avait le secret et qui lui réussissaient toujours auprès de sa mère. À la fin de décembre, les fameux maux de tête dont il savait si bien jouer l'accablèrent à nouveau ; à la mi-janvier 1808, ils devinrent «intolérables», écrit Mme de Lamartine, et il se hasarda à demander la permission du retour «au moins pour quelque temps». Ce qu'il ne disait pas mais qu'on devine bien qu'il pensait, c'est qu'une fois à Mâcon il saurait toujours s'arranger.
La mère, «bien inquiète de tout cela», s'en fut comme d'habitude implorer l'oncle terrible ; celui-ci—était-ce un hasard ?—venait de recevoir à point une lettre charmante du neveu ; il déclara à sa belle-sœur qu'il commençait à aimer beaucoup le jeune homme et se laissa fléchir.
Aussitôt elle lui fit parvenir elle-même l'heureuse nouvelle, mais exigea qu'il passât par Lyon où Mme de Roquemont, prévenue, lui ferait consulter un bon médecin. Celui-ci, qui l'examina le 26 janvier, ne lui découvrit naturellement rien de grave et diagnostiqua un peu de surmenage intellectuel : il ordonna des bains de jambes, du lait d'ânesse au printemps, «un régime doux et peu d'études applicantes» ; à tout prendre c'était pour le jeune malade un agréable traitement.
Lors de son arrivée à Mâcon, le 20 janvier [Nous donnons cette date d'après le Journal intime, bien qu'on trouve dans la Correspondance trois lettres, datées de Mâcon 4 et 10 janvier, et de Lyon 30 janvier ; elles furent réellement écrites à ces dates, mais en 1809. En effet, Lamartine parle dans l'une d'elles de la conscription qui retarde son voyage à Lyon ; or, nous savons, toujours par le Journal intime, qu'il tira au sort le 23 janvier 1809. De plus on rencontre dans la lettre du 10 janvier un fragment poétique qui fut adressé à Virieu et n'est ici que recopié pour Guichard ; comme ce morceau fut composé à la fin de 1808, ainsi que nous l'apprend une lettre de décembre de la même année à Virieu, il devient évident que la copie en fut faite en janvier 1809 et non 1808.], Mme de Lamartine devina bien sa petit ruse en constatant au contraire qu'il n'était pas du tout changé et même moins maigre qu'à l'automne. Au fond, elle fut si heureuse de l'avoir auprès d'elle qu'elle n'en laissa rien voir ; d'ailleurs il avait «l'air fort doux et fort sage», et c'était tout naturel puisqu'il avait quelque chose à obtenir. Habilement, profitant des bonnes dispositions de l'oncle
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