Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
adouci par sa conduite, il enleva l'affaire en trois jours et s'installa à Mâcon pour la fin de l'hiver, ayant obtenu, le 15 février, la promesse formelle qu'il ne retournerait plus à Belley.
Sa mère regretta bien qu'il ne terminât pas cette année d'études, d'autant qu'elle était maintenant envahie par d'autres craintes, celles de le voir livré à lui-même «dans ce temps de dissipation». Mais comme il continuait d'être charmant pour elle et plein de bonnes dispositions, elle oublia vite toutes ses inquiétudes.
Telles furent les années scolaires de Lamartine ; après 1808, l'influence des Pères de la Foi, qui parvinrent à assouplir cette jeune âme rebelle, ira s'effaçant peu à peu, et le vagabondage d'esprit remplacera l'ordre et l'austérité morale de Belley : réaction normale et qui s'explique aisément puisque les tendances signalées par les maîtres et réprimées par eux vont se développer dans l'oisiveté. Ces courtes études classiques—les seules, il ne faut pas l'oublier, que fera jamais Lamartine—furent somme toute médiocres et ne dépassèrent pas la banalité courante de l'époque.
Pourtant l'influence de Belley fut profonde et décisive sur le développement de Lamartine, mais elle s'exerça par des côtés qui n'ont rien de scolaire. En effet, si les Méditations ont leurs sources littéraires, de courants très divers, dans la période qui s'étend de 1808 à 1817, deux de leurs sources morales, pourrait-on dire, datent du collège de Belley : et ce sont les plus originales de l'œuvre, celles qui, d'après la critique du temps, fixèrent les conditions de la rénovation poétique : poésie religieuse et sentiment sincère de la nature.
C'est à Belley que les germes laissés par la première éducation maternelle s'épanouirent complètement, aidés par un élément qu'il n'a pas manqué de souligner lui-même et qui a toute son importance chez une âme sensible et imaginative comme la sienne : celui du décor de la religion.
Ce ne sont plus à Belley les cloches paysannes de Saint-Point et de Milly, ni les humbles et brèves cérémonies des églises de campagne dont il ne goûtera qu'infiniment plus tard le charme et la poésie : au début, ce qui frappa d'abord le petit villageois étonné qu'il était, ce fut l'écrasante splendeur de la religion catholique et, comme il l'a dit, «les cérémonies prolongées, répétées, rendues plus attrayantes par la parure des autels, la magnificence des costumes, les chants, l'encens, les fleurs, la musique», et nous savons que l'évêque de Belley officia souvent dans la chapelle, que le cardinal Fesch, protecteur du collège, vint deux fois, avec un imposant et magnifique cortège de prélats.
Qu'on ajoute à cela le cadre naturel de Belley, ses forêts, ses rocs, ses torrents, et où les Pères de la Foi proclament la grandeur de Dieu sans jamais perdre une occasion de frapper l'âme par les yeux, et l'on comprendra ces heures de contemplation et de vertige moral où s'abîma l'enfant et dont la description faite cinquante ans plus tard confine presque à l'extase mystique.
Ainsi, au moment de la crise de l'adolescence, à l'âge où les impressions nouvelles sont décisives, Lamartine se trouvait en pleine atmosphère religieuse, dirigé par des hommes qui ramènent à Dieu tous les actes et toutes les pensées ; il conservera l'empreinte ineffaçable de cette piété sincère et profonde, qu'affaibliront un instant ses premières crises morales.
Si nous n'avions sur ce point que son seul témoignage, peut-être pourrait-on le mettre en doute et n'y voir que des souvenirs littéraires, bien que chez lui les choses vécues ou senties aient des accents qui ne trompent pas. Déjà on en trouve un écho dans une lettre à Virieu où il rappelle, peu de mois après son départ de Belley, «cette pierre où nous allions prier Dieu trois ou quatre fois par jour», mais sa mère, surtout, nous donne d'autres détails.
Outre les bulletins qui mentionnent, on l'a vu, sa grande piété, elle note avec joie pendant les vacances de 1806 que son fils lui donne «de nouvelles consolations, et se porte de lui-même à ses pieux exercices» ; qu'en septembre 1807, au retour à Milly, il demande la permission de passer par Lyon «pour prier à Fourvières», que chaque jour il écoute avec recueillement les lectures pieuses que sa vivacité supportait mal autrefois, et, enfin, elle rapporte cette anecdote qu'il faut citer parce
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