Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
s'écoulèrent paisiblement avec l'abbé Dumont et M. de Vaudran, venus s'y établir pour la chasse. L'oncle gronda bien un peu devant les flâneries et l'indolence du neveu, mais la mère objecta que les vacances seraient courtes et qu'il lui fallait ménager sa santé. Le 7 octobre, il quitta Mâcon avec son camarade Corcelette et le 10 se retrouvait à Belley.
Deux jours après parvenait à Milly le premier bulletin que Mme de Lamartine a résumé ainsi : «Il en résulte que la nature, ou plutôt la Providence, a tout fait pour lui, mais qu'il ne répond pas comme il devrait à tous ses bienfaits : il est dissipé, paresseux ; mais je ne veux pas transcrire ici ce bulletin.
Je le garde pour qu'il le voie quand il sera grand.»
L'année de seconde ne fut guère meilleure, car ses études se ressentirent souvent d'une maladie nerveuse dont les pères ne savaient que penser ; au début d'août ils conseillèrent même à sa famille de le rappeler avant les vacances, qu'il passa d'ailleurs presque entièrement au lit. Le 6 novembre, enfin, un peu remonté, il regagna le collège.
Les premières nouvelles de 1806—l'année de rhétorique—ne furent pas plus fameuses : en février, le père Béquet écrivit qu'il était «fort peu sage et appliqué depuis les vacances» et qu'elles lui avaient fait beaucoup de tort. Le second trimestre fut meilleur : l'on est plus content de lui, note Mme de Lamartine ; il a paru avec succès aux exercices de Pâques et il a eu un témoignage de diligence et un accessit de distinction ; et, continuant de mériter les éloges qu'on lui décernait, il arriva à Mâcon le 17 septembre, chargé de prix : amplification française, amplification latine, vers latins, second prix de version latine, et celui dont la mère est peut-être la plus heureuse, le prix de sagesse «d'après le jugement de ses maîtres et l'approbation de ses condisciples». Sa santé aussi était excellente : «Il est plus grand que moi de deux pouces, écrit la mère, quoiqu'un peu maigre, mais pas du tout à inquiéter, il est fort, le teint est bon et il a fait de grands progrès dans la vertu. C'est d'ailleurs un enfant charmant, conclut-elle ingénument transportée ; il est malgré cela fort modeste et ce qui me fait le plus de plaisir c'est qu'il paraît avoir beaucoup de piété.»
Les vacances s'écoulèrent à Milly, et à Pérone chez la tante du Villard, à Montceau chez l'oncle terrible.
Le 4 novembre il abandonna ses douces rêveries et arriva à Belley le 7, après s'être arrêté vingt-quatre heures à Lyon chez sa tante de Roquemont [C'est au cours du mois d'octobre 1806 qu'il faut placer l'épisode de Lucy L. sur lequel Lamartine s'est longuement étendu dans les Confidences. La vérité semble extrêmement plus simple que son romanesque récit ; elle a été très heureusement rétablie par M. De Riaz, membre de l'Académie de Mâcon, dont le travail vient d'être publié dans le dernier volume des Annales de cette société. M. De Riaz, au prix d'une incroyable patience et de minutieuses investigations, est parvenu, en s'aidant des rares précisions du texte de Lamartine, à établir que le manoir décrit par le poète n'était autre que le château de Byonne, situé à deux kilomètres de Milly. Or, de 1800 à 1820, une seule jeune fille y habita, dont ni le prénom ni le nom ne se rapprochent de ceux donnés par Lamartine, puisqu'elle s'appelait Élisa de Villeneuve d'Ansouis ; bien mieux, c'était une enfant qui mourut en 1807 à l'âge de treize ans ; comme l'unique séjour qu'elle fit à Byonne se place pendant l'automne de 1806, M. de Riaz en a conclu avec vraisemblance qu'elle fut la première héroïne de Lamartine.
On voit par là avec quelle précaution il faut utiliser les souvenirs de Lamartine, et ce qu'il faut penser en particulier des trente pages qu'il a consacrées à la pseudo-Lucy L. et à leurs conversations littéraires dont Ossian, paraît-il, faisait le fonds. Quant aux vers ossianesques qu'il lui adressa et qu'il a datés, dans les Confidences de Milly : «16 décembre 1805», il est impossible d'admettre qu'ils aient été composés en l'honneur de la petite fille. Il est d'abord évident qu'ils sont post-datés, puisqu'en décembre 1805 Lamartine était à Belley et non à Milly.
De plus, il ressort d'une lettre de la Correspondance—lettre douteuse, il est vrai, puisqu'elle ne porte point de date bien qu'elle figure à la fin de l'année 1808—que
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