Les panzers de la mort
des corps que nous écrasions. Nous arrêtâmes enfin de l’autre côté de la ligne de chemin de fer. Le jeune lieutenant, pris d’une crise de folie furieuse, se mit à tourner sur lui-même comme un toton, arrachant ses décorations et ses galons, puis lorsqu’il se fut dégrade Il empoigna sa mitraillette et tira sur nous. Sans mot dire Porta saisit son fusil et visa : le jeune homme tomba en agitant frénétiquement bras et jambes ; un coup claqua encore et Il ne bougea plus.
Les réfugiés qui avaient échappé au tunnel, ainsi que ceux qui suivaient à pied, couraient maintenant vers nous, ivres d’indignation et la menace à la bouche. Ils s’emparèrent d’un tirailleur de char et l’étranglèrent sous nos yeux, séance tenante. Notre tour allait venir. La horde fonçait, brandissant armes et gourdins. Alte bondit dans la voiture, mais avant d’avoir eu le temps de refermer le panneau, quelques hommes déjà grimpés sur le blindage nous jetaient des grenades à main dont un éclat blessa Alte à la joue. Un autre char venait d’être forcé et l’équipage, aussitôt massacré, avait été jeté sur la route. Alte tremblait.
– Mon Dieu, que dois-je faire ?
Porta se pencha en arrière et dit rapidement :
– Grouille-toi Alte. Donne tes ordres ; tu as maintenant la responsabilité de quatre traîneaux.
– Faites ce que vous voudrez ! Je n’en peux plus, sanglota Alte et il se laissa tomber au fond du char où Petit-Frère le repoussa du pied.
– Bien, dit Porta, je te comprends mon pauvre vieux ! Tu es père de famille ! ne regarde pas, ça vaudra mieux.
Il se tourna vers le légionnaire qui attendait devant la radio les ordres à transmettre.
– Ouvrez le feu sur les fuyards. Le blinde volé doit être détruit et tout homme armé liquidé.
Les fuyards qui venaient de s’emparer du char manifestaient à notre égard les pires intentions et leur première grenade fila au-dessus de nos têtes. Automatiquement je pointai le canon, les triangles se joignirent, et Petit-Frère annonça laconique : – Prêt à tirer.
La lampe rouge clignota, une flamme d’un mètre de long sortit de la gueule du canon et au même instant la tourelle du blinde adverse vola en éclats dans une gerbe de feu et le grésillement de la chair qui brûle. Un hurlement de rage jaillit de toutes les gorges ; une grenade-raquette laboura le sol à peu de distance de nous, une autre arracha les chenilles d’un char qui répondit en faisant feu de toutes ses pièces.
Alors commença une tuerie sans nom, une boucherie de tous ces gens pris de panique, désespérés à moitié fous et presque sans défense. Cette horreur dura dix bonnes minutes. Lorsque tout fut fini, on répara les chaînes du char endommagé et nous continuâmes vers le nord-ouest emportant une jeune mère mourante, les petites jumelles et cinq enfants dont les parents étaient sans doute parmi ceux que nous venions de massacrer.
Quelques kilomètres plus loin, Porta nous montra du doigt un arbre où avaient été pendus trois fantassins allemands et les chars s’arrêtèrent pour voir les cadavres de plus près. Chacun d’eux portait une pancarte avec la même inscription : « Traîtres et déserteurs, nous avons bien mérité ce juste châtiment. »
– Quelle saloperie ! cria le légionnaire.
Leurs jambes se balançaient légèrement comme le pendule d’une horloge, les cous démesurément allongés semblaient prêts à se rompre en laissant la tête seule suspendue à la corde. Nous repartîmes Silencieux.
En arrivant près d’un village d’autres pendus nous accueillirent, parmi lesquels Un major général avec son écriteau : « J’ai refusé d’obéir aux ordres du Führer. » Dans un fossé gisaient les corps de fantassins et d’artilleurs et celui d’un pionnier reconnaissable à ses épaulettes noires. Ils avaient tous été abattus à la mitrailleuse, mais ici Il n’y avait aucune pancarte.
– Ça c’est du travail de gendarmes ! dit Porta. Si seulement une de ces ordures nous tombait sous la patte, je le bousille en moins de deux !
– Allah t’exauce, répondit le légionnaire, en montrant des Silhouettes qui s’agitaient devant nous sur la route.
Il y avait là cinq gendarmes en chair et en os qui nous faisaient signe de stopper. Casqués d’acier, armés jusqu’aux dents, des visages de brutes, Ils ne disaient rien qui vaille.
– Ils vont nous pendre, dit Alte, nous sommes trop
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