Les panzers de la mort
nationalités, unis seulement par la commune terreur des blindés russes qui avançaient rapidement. Les aviateurs les avaient emmenés jusqu’ici ; plusieurs fois mitraillés, beaucoup étaient morts et avaient été jetés par-dessus bord pour faire place à d’autres. A la sortie de la forêt, le convoi, mitraillé une nouvelle fois, s’était traîné jusqu’ici. Mais cette fois, les aviateurs n’en voulaient plus : Ils renonçaient tout simplement. Affalés par terre, Ils dormaient ou nous regardaient avec indifférence, nous qui étions debout devant eux, les armes à la main. Un feldwebel étendu les mains sous la nuque, nous dit avec un sourire de mépris.
– Alors, héros, blindés ? Vous faites la course à la victoire ? Pourquoi n’appelez-vous pas Ivan pour en faire péter vos flingots ? Hein ? Saletés de fascistes ?
Petit-Frère bondit : – Quoi ? Espèce de dégueulasse ! On le zigouille, Alte ?
– La paix, Petit-Frère, dit Alte, qui regarda le feldwebel de ses yeux mi-clos. Et que comptes-tu faire maintenant ? demanda-t-Il.
Le feldwebel haussa les épaules : – Attendre ceux d’en face et leur tirer dessus.
– Et ceux-là ? dit Alte, montrant les femmes et les enfants qui faisaient le fond du tableau.
– Livrer le tout à Ivan, à moins que tu ne désires les emmener dans ta chasse à la victoire ! J’en ai marre et penser à ma peau me suffit. Tant pis pour les autres ! T’as compris mon vieux ?
Une violente dispute s’éleva entre Alte et le feldwebel ; d’autres s’en mêlèrent ; des femmes pleuraient et suppliaient qu’on ne les abandonnât point. Mais les aviateurs, à bout, restaient impitoyables.
– Croyez-vous qu’on a échappé à Ivan pour être pendus par nos gendarmes ? dit le feldwebel.
Soudain, on vit le légionnaire s’avancer, fusil-mitrailleur pointé, et mettre en joue le feldwebel.
– Lâches ! Pendant toute la guerre vous vous êtes prélassés sur les aérodromes loin du front et maintenant que ça barde, vous en faite dans votre culotte. Je vous descends comme des chiens si vous ne repartez pas avec les femmes.
Un Silence de mort plana. Nous étions écartés à quelques pas du légionnaire, qui, penché en avant, semblait prêt à bondir.
Un des aviateurs se mit à Rire : – Mais tire donc, affreux gnome ! Pourquoi ne tires-tu pas ? Toujours les grands mots à Gœbbels ! On est fatigué de les entendre !
D’autres firent chorus. – Attention ! chuchota Alte, ça va se gâter.
Nous nous éloignâmes lentement, prêts à tirer.
– Alors ? Vous les emmenez ? siffla le légionnaire.
Son mégot tressautait dans sa bouche et des étincelles minuscules tombaient sur sa poitrine.
– Pour la dernière fois, oui ou non ?
– Bravo, le héros ! Protecteur des femmes ! ricana un soldat. On t’élèvera une statue sur un tas de fumier !
Il y eut un éclat de rire. Une flamme méchante sortit du canon bleu-noir et le Rire s’éteignit dans un râle. Des soldats gris se tordaient par terre et l’un d’eux rampa vers nous à quatre pattes en poussant des cris de fou. L’arme aboya de nouveau des corps déjà morts rebondirent sous la giclée. Trois aviateurs encore vivants furent poussés dans les cabines des camions où s’entassèrent les fuyards hagards et muets.
Les blindés fermant la marche, le convoi s’ébranla vers le nord-ouest, loin des hommes gris et sanglants qui venaient de périr de la main des leurs, parce qu’ils n’avaient eu le courage ni de vivre ni de mourir.
De petits groupes de soldats désespérés se traînaient sur les chemins.
– Camarades ! Emmenez-nous… – était le cri général, mais les camarades disparaissaient dans une odeur de pétrole. Un des camions tomba en panne et son chargement humain dût poursuivre sa route à pied.
Velensky : un village entre mille, en Ukraine ou en Pologne, submergé par un torrent de fuyards arrêtés là pour un peu de repos et de soleil.
– Dépêchez-vous ! criait-on sans cesse, mais c’était bien inutile. L’effondrement qui menaçait la III e Armée blindée et les rapides colonnes russes qu’on Craignait à chaque instant de voir apparaître étaient des raisons plus que suffisantes pour talonner ces malheureux. Des grenadiers allemands, des prisonniers de guerre russes, couraient comme des volailles effarouchées au milieu de la foule. On se rassemblait autour de notre char, la même question sur toutes les
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