Les panzers de la mort
peu de distance devant nous des Silhouettes couraient en désordre et une voiture, placée en travers du chemin, paraissait être là en guise de chicane. Le légionnaire poussa un juron et saisit sa mitrailleuse.
– Du calme, du calme ! dit Alte.
Un coup partit et la panique s’empara de nous lorsque nous vîmes un bazooka pointé dans notre direction. Les chiffres du viseur tournoyaient devant mes yeux. – Prêt à tirer ! dit automatiquement Petit-Frère.
Klik… la lampe rouge clignote méchamment, une grenade est placée dans la culasse du canon, une foule se rassemble au centre du viseur, les doigts se crispent sur la gâchette. Tak, tak, tak, aboie la mitrailleuse… puis le roulement meurt dans les bois.
Des cris, des appels, des gens qui surgissent et se sauvent parmi les arbres.
– Ne les laisse pas fuir, dit Alte, ils vont revenir nous écraser.
La tourelle tourne à 10, les triangles se joignent, un grondement… et un geyser de feu, de terre, de membres sanglants jaillit vers le ciel. Les moteurs rugissent et nous fuyons le barrage.
Qu’avons-nous ressenti lorsque l’affreuse vérité nous apparut ? De l’épouvante ? Je ne le crois pas ; du soulagement plutôt, un soulagement mêlé d’un peu d’oppression. Le barrage, n’était qu’une voiture effondrée sous un chargement trop lourd. Les tirailleurs ennemis ? Des réfugiés, femmes, enfants, vieillards malades ou épuisés. Le bazooka ? Le timon du véhicule. Les panneaux du blinde s’ouvrirent avec précaution, nos yeux brûlés photographièrent le désastre, nos oreilles entendirent les râles des mourants dans le sous-bois printanier. On referma les panneaux ; le grand appareil de mort, se balançant sur ses chaînes, sembla s’incliner devant ses victimes et le char, emportant des soldats terrorisés, une femme russe et ses nouveau-nés, disparut dans la forêt poursuivi par les malédictions.
Un peu plus loin nous rencontrâmes deux chars démolis renversés dans un fossé, dont nous arrivâmes à récupérer l’essence à l’aide d’un tuyau de caoutchouc. Trois tirailleurs russes égarés furent abattus avant qu’ils aient pu se rendre compte de ce qui fonçait derrière eux. Les Croix gammées de notre tourelle étaient tellement salies qu’elles en devenaient invisibles. Pendant que le grondement de l’artillerie lourde roulait dans le lointain, la femme brûlait de fièvre et délirait. Alte secoua la tête :
– J’ai bien peur qu’elle ne meure.
– Qu’est-ce qu’on peut faire ? dit le légionnaire dont les mains se Crispèrent.
Alte le regarda longuement : – Vous êtes bizarres tous ! Dieu que vous êtes bizarres ! Vous êtes capables de tuer n’importe qui et voila que vous Craignez pour la vie d’une femme inconnue, tout simplement parce qu’elle est là et qu’elle respire votre air vicié !
Personne ne trouva un mot à lui répondre. Il faisait presque nuit lorsque nous nous arrêtâmes, observant avec précaution par les panneaux les flammes qui Illuminaient l’horizon.
– Ce doit être une ville assez importante, dit Porta, peut-être Oscha.
– Tu es malade, dit Alte, Oscha est loin derrière nous, c’est Brodny ou Lemberg.
– Qu’importe ce que c’est, dit le légionnaire, ça brûle. Une chance de ne pas y être !
Ce fut Petit-Frère qui les aperçut le premier : deux gros camions Diesel allemands du parc de l’aviation. Une dizaine d’aviateurs se trouvaient là et dormaient ; un peu plus loin, se dissimulaient dans le champ, une centaine de femmes et d’enfants. Tous, pris de panique, bondirent sur leurs pieds, lorsque Silencieusement nous avançâmes vers eux et regardèrent, pétrifiés, nos uniformes noirs et le chapeau rayé de Porta.
Parmi eux Il y avait deux infirmières allemandes, seules rescapées d’un hôpital où les Russes avaient massacré tout le monde. Elles s’étaient cachées dans un village ; bientôt y étaient arrivées de grosses unités d’infanterie russe, mais les soldats, cette fois très corrects, les avaient mises en garde contre leurs successeurs, qu’ils disaient redoutables. Tous les habitants s’étaient alors enfuis dans la forêt, où ils se traînaient jour après jour, de plus en plus épuisés.
D’autres réfugiés s’étaient joints à eux : polonais, allemands, russes, lettons, estoniens, lithuaniens, balkaniques. Tout cela formait à présent une caravane de misérables fuyards, sans distinction de
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