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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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mauvaise conjonction stratégique de l’été 1941, encerclée d’ennemis à l’ouest et à l’est ? Hitler avait toujours songé, depuis Mein Kampf, à la définition d’un espace vital pour les Allemands à l’est, ainsi qu’à l’élimination du communisme. Les officiers supérieurs n’osaient pas s’opposer à ses desseins : la victoire rapide contre la puissante armée française à l’ouest, l’incapacité de l’Armée rouge à réduire rapidement la petite Finlande, donnaient à penser que le Blitzkrieg pouvait permettre d’abattre rapidement l’ennemi, chargé par une vingtaine de divisions blindées et trois mille avions. L’impuissance de l’Angleterre, non secondée encore par l’Amérique, se prêtait à une intervention rapide. Hitler y songeait depuis l’été de 1940.
    Il n’était pas question pour lui d’apparaître en libérateur des peuples asservis par le communisme. S’il recommandait de détruire les cadres du parti, il ne songeait qu’à l’exploitation d’une terre serve, entièrement dominée par l’économie allemande. Il ne se ménagerait pas d’alliés, pas de partenaires en URSS. Tout juste consentirait-il, après les premières défaites, à consacrer à des tâches subalternes les engagés volontaires des Républiques non russes. Il emploierait à des besognes serviles les millions de prisonniers sous-alimentés, et les déportés du travail. Il se servirait des camps d’extermination de Pologne pour faire mourir les six millions de victimes de sa politique raciale.
    Il n’aurait même pas l’hypocrisie de constituer en URSS, comme Ludendorff en 1918, des États satellites d’apparence autonomes. La machine de guerre allemande laminait le pays, dressant partout derrière elle des partisans à qui le terrorisme stalinien ne laissait pas le choix de l’engagement. Plus de huit millions d’hommes et de femmes devaient résister ou périr.
    La double victoire de l’Armée rouge, devant Moscou en décembre 1941, à Stalingrad l’année suivante, entraînerait l’Allemagne dans une sanglante hécatombe dont elle sortirait sous les décombres. Les restes de Hitler suicidé seraient réduits en cendres par les SS dans un bunker de béton noirci, sous la chancellerie du Reich, en avril 1945. Les Russes plantant le drapeau rouge au sommet des ruines du Reichstag, les Américains dynamitant les décombres de la chancellerie encore décorée de l’aigle noir sont les deux actes symboliques de la fin d’une guerre de trente ans. Foch, en 1918, croyait avoir tout juste les moyens de s’installer sur le Rhin, devant une armée allemande encore en ordre. Le maréchal britannique Douglas Haig avait à grand-peine libéré Anvers, Bruxelles et Liège.
    Eisenhower et Joukov étaient, les premiers, allés jusqu’à Berlin et les représentants des trois grands se rencontraient en juillet 1945 à Potsdam, au Cecilienhof, non loin du tombeau du grand Frédéric que des mains pieuses avaient dérobé à la furie iconoclaste des vainqueurs. Que la dépouille du roi de Prusse échappât au moins au naufrage, quand tout avait sombré corps et biens, quand les Cosaques à cheval parcouraient les rues en ruine de la capitale des trois Reich.
    *
    La France avait attendu quatre ans sa libération. Ses prisonniers employés aux travaux agricoles, ses déportés, ses ouvriers recrutés dans le honteux Service du travail obligatoire, levés comme des conscrits et poursuivis pour insoumission par les gendarmes (641 500 de juin 1942 à juillet 1944), avaient nourri par force la machine de guerre allemande, avec l’accord complet de Vichy. La fiction de l’État vichyste indépendant avait disparu après le 8 novembre 1942, date du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. Les Allemands n’avaient plus lâché la France avant sa libération par les armées alliées. Le pays ne disposait plus de la moindre souveraineté, au point qu’Eisenhower voulait le faire administrer par des officiers alliés spéciaux. Une occupation de quatre ans qui avait ressemblé à une annexion.
    À son retour, de Gaulle, avec maestria, et contre la volonté anglo-saxonne, avait rétabli l’État et mobilisé, péniblement il est vrai, assez de troupes pour alimenter le front d’une année et d’une division blindée affectée à une unité américaine, celle du général Leclerc, qui avait libéré Paris. Ce retour précipité avait permis aux Français d’être présents à la

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