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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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Ludendorff que des buts de guerre traditionnellement affichés par les gouvernements allemands successifs pendant le premier conflit mondial. En 1918, l’Allemagne a besoin d’essence pour ses camions et ses avions, encore plus en 1941 : il est inévitable que l’Est, riche en blé et en pétrole, intéresse en priorité les planificateurs de la guerre. Le blocus anglo-saxon des mers en 1918, et de nouveau en 1942 impose la maîtrise du blé et des terres continentales. L’Allemagne ne peut vaincre qu’au prix d’une conquête de l’Ukraine, de la Roumanie et du Caucase.
    Hitler ajoute à ses mobiles stratégiques des raisons idéologiques. Il rejette, dans Mein Kampf, toute possibilité d’alliance avec la Russie bolchevique alors considérée comme mûre, dit-il, pour l’effondrement, menée par la « lie de l’humanité », ces bolchevistes dont la doctrine peut encore infester l’Allemagne, si elle ne prend soin de les détruire.
    L’accord germano-soviétique de 1939 ne peut être, pour Staline comme pour Hitler, qu’une opportunité momentanée. Staline l’utilise pour occuper sans coup férir les États baltes où il crée de nouvelles Républiques inféodées à Moscou, dirigées par des commissaires politiques, occupées par l’Armée rouge. La victoire de Joukov sur les Japonais en Mongolie avait permis au maître du Kremlin de se rapprocher du Japon, qui préparait son entrée en guerre et voulait avoir les mains libres sur les rives du Khalkhin Gol. L’avancée des Russes en Finlande et leurs visées sur la Baltique irritaient autant Hitler que leurs prétentions affichées contre la Bulgarie et la Roumanie.
    Dès le 21 juillet 1940, il avait jeté les bases du plan Barbarossa d’invasion de la Russie. Von Brauchitsch avait reçu l’ordre d’y préparer les unités. Le 29 juillet, il avait réuni les officiers du grand quartier général pour leur donner la date de l’assaut : le printemps de 1941 au plus tard. Le général Marks, dont les blindés avaient fait le plein de munitions le long de la frontière de l’Est, était chargé des premiers plans. Le 9 août, le général Walrimont était officiellement nommé à la tête de la force d’intervention.
    Dès le 26 août 1940 avait commencé le transfert vers l’est des divisions de l’Ouest. Le 5 décembre, l’ordonnance n° 21 fixait le jour du départ au 15 mai. La date n’avait été retardée au 21 juin qu’en raison des campagnes préalables de la Wehrmacht en Yougoslavie et en Grèce, rendues nécessaires par la menace que les Britanniques pouvaient faire planer sur l’Europe méditerranéenne.
    L’ouverture de la carte de guerre à l’est, presque immédiatement décidée après la victoire à l’ouest, montrait que la stratégie de Hitler restait en tous points conforme à celle de Schlieffen en 1914. L’Angleterre impuissante était isolée, l’Amérique restait neutre obstinément. L’heure était venue d’agir à l’est. La victoire acquise plus rapidement que prévu en France rendait immédiatement caduc le pacte germano-soviétique. Hitler pouvait habiller la guerre d’un appareil idéologique, la représenter comme une entreprise d’élimination sans pitié du bolchevisme, comme une victoire continentale au demeurant conforme à la recherche de l’espace vital annoncée par Mein Kampf.
    Sur ce point seulement elle se distinguait de la politique impériale, qui n’avait jamais envisagé aux dépens du tsar, cousin du Kaiser, époux d’une princesse allemande, une sorte de reprise du Drang nach Osten des chevaliers teutoniques. Hitler innovait, en poussant l’esprit de guerre jusqu’à ses limites ultimes, la conquête du continent. « Assurer au peuple allemand le territoire qui lui revient en ce monde. Cette action est la seule qui justifie de faire couler le sang. »
    Il tournait le dos aux ambitions occidentales, marchandes et africaines bien vues à l’ancienne Deutsche Bank, mais reprenait à son compte la reconstitution de l’espace militaire et colonial européen déjà occupé en 1918 par les armées de Ludendorff. Ainsi les deux guerres avaient-elles une continuité manifeste, même si elles avaient changé de buts et d’idéologie, même si la deuxième était conduite par un esprit immensément rétrograde, qui ne croyait guère, pour l’avenir de la race allemande, qu’à la conquête du sol et à l’asservissement, et pas du tout à l’expansion mondiale, fut-elle

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