Les Rapines Du Duc De Guise
tenir un lit de justice pour
imposer cet enregistrement à ses magistrats.
Cet arrêt prévoyait que tous les précédents
édits de pacification et de tolérance signés avec les protestants étaient
abolis. Seule la religion catholique, apostolique et romaine serait autorisée
dans le royaume, le culte protestant étant interdit. Les pasteurs huguenots
devraient quitter la France et les protestants abandonner leurs places fortes. La
guerre reprendrait avec Navarre s’il refusait la conversion. Il serait alors
déchu de ses droits à la couronne.
Le roi en avait pleuré.
« Ils veulent ma couronne et ma peau ! »
avait-il dit à Villequier.
Lucide sur les mauvais choix qu’on lui
imposait, il déclara au cardinal de Bourbon qu’en signant les précédents édits
de pacification, il avait agi contre sa conscience et sa religion, mais pour le
bien de son peuple, alors qu’en venant au Palais publier le traité de Nemours, il
agissait certes selon sa conscience de catholique, mais il ruinait son État.
À la fin du mois de juillet, le duc de Guise s’installa
à Montereau. Mayenne se rendit à Dijon pour préparer la campagne qu’il mènerait
en Gascogne et en Poitou contre les protestants. Il disposait déjà de cinq
mille hommes d’infanterie et d’un millier de cavaliers qu’il compléta par des
compagnies de sauvages albanais et de reîtres. Avec cette formidable armée, il
jura à son frère qu’il raserait les villes protestantes, occuperait leurs
places fortes et se saisirait du Béarnais.
Henri de Navarre apprit avec stupeur les
termes du traité de Nemours. Il avait toujours espéré que le roi ferait
alliance avec lui contre les Guise, et il découvrait que son beau-frère
devenait son ennemi. On raconte que la moitié de sa moustache avait blanchi en
quelques heures quand il avait connu la nouvelle.
Pourtant, M. de Mornay lui assura
que tout cela n’était que comédie et que sous peu le roi reprendrait langue
avec lui, car en vérité Henri III n’avait cédé qu’en apparence, et ses
vrais amis l’encourageaient à la lutte.
Ainsi, Agrippa d’Aubigné déclara dans ses
mémoires :
« Le roi se rendit par force ennemi
des Bourbons et des réformés, et se couchant par peur d’être abattu, se fit
chef de ses ennemis pour donner par le dedans le premier branle de leur
destruction. »
Henri III avait toujours paru lunatique à
ses sujets, passant sans raison du mysticisme à la débauche, faisant succéder
des périodes d’élaboration de justes lois pour le royaume à de dévotes
retraites où il se faisait flageller. Mais après le traité de Nemours, il parut
se complaire dans les grandioses mascarades, des activités de découpage ou de
dressage de chiens. Il se passionna même pour un nouveau jeu, le bilboquet, alors
que son royaume se désagrégeait.
Ainsi l’ambassadeur de Savoie nota dans sa
correspondance : la cour s’affaiblit tous les jours. Tous les vieux
capitaines appointés s’en vont vers Guise.
Une anagramme apparut en ville sur des
placards affichés par les ligueurs :
HENRI=H RIEN
Le duc de Guise en vint peu à peu à penser qu’il
était inutile de faire disparaître un roi si fol s’il pouvait facilement le
gouverner à son gré. D’autant qu’il cherchait lui aussi à éviter la
confrontation, car après avoir perdu l’argent des tailles royales, il n’avait
plus les moyens de faire la guerre. Certes, il avait reçu en mai cinquante
mille écus pistolets espagnols [67] , mais cet argent n’avait fait que solder une partie de ses dettes et
comme il l’avait avoué une fois à Catherine de Médicis : je ne peux
rien décider seul.
Car le roi d’Espagne était son maître.
Le Lorrain n’attacha pas trop d’importance à
la liste des nouveaux chevaliers du Saint-Esprit reçus le 31 décembre 1585, en
l’église des Grands-Augustins de Paris. Parmi eux, il y avait François d’O, premier
gentilhomme de la chambre, son frère Jean d’O, seigneur de Manou, capitaine des
cent archers de la garde du corps du roi, et François du Plessis, seigneur de
Richelieu, Grand prévôt de France.
Il fut cependant plus surpris quand François d’O
entra au conseil royal et reçut la charge de gouverneur de Paris occupée
jusque-là par son beau-père, M. de Villequier.
Il ne se douta pourtant jamais que, depuis des
mois, le roi portait un masque comme le lui avait appris Flaminio Scala, le
chef de la troupe des Gelosi. Sous ce masque,
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