Les révoltés de Cordoue
extensions de cultures appartenant à des nobles, des chrétiens
illustres ou des ordres religieux, comme celui des chartreux, qui avait
bénéficié de grandes superficies dédiées à la culture extensive de la vigne.
Là, pendant sept mois, des milliers de Maures déplacés
avaient vécu. Ils gardaient la nostalgie des montagnes, des gorges et des
ravins des Alpujarras, sur ces terres qui s’étendaient sans obstacles sous
leurs yeux, cultivées, surveillées par les chrétiens, et constamment traversées
par des frères et des prêtres qui, quoi qu’ils fissent, leur reprochaient leurs
actes.
Conformément aux ordres du prince, Hernando et Fatima
s’étaient mariés, chrétiennement, dans l’église de Padul. La veille de la
cérémonie, à l’intérieur du temple, tous deux avaient été interrogés sur la
doctrine chrétienne par les prêtres qui les avaient assaillis dès leur arrivée
au village, en présence d’Andrés, le sacristain.
Hernando avait réussi l’examen sans difficulté.
— À ton tour maintenant, avait indiqué l’un des
religieux à Fatima. Récite le Notre Père.
La jeune fille n’avait pas répondu. Au bout de quelques
instants, les deux prêtres et le sacristain montrèrent leur impatience.
Fatima restait plongée dans son malheur. La nuit même, sous
les yeux d’Hernando, d’Aisha et de centaines de Maures qui s’entassaient sur le
sol, essayant de dormir, Brahim l’avait possédée sans la moindre pudeur, comme
s’il voulait prouver à tous qu’il continuait à être son maître. Fou de rage,
Hernando avait dû s’éloigner pour ne pas entendre les gémissements de plaisir
de son beau-père. Il était parti, en quête d’air, sans pouvoir empêcher ses
yeux de se remplir de larmes d’impuissance.
— Tu ne connais pas le Notre Père ? interrogea
Andrés en plissant les yeux.
Hernando secoua doucement le bras de la jeune fille pour
qu’elle réagisse. Elle récita d’une voix tremblante le Notre Père et aussi
l’Ave María, mais elle fut beaucoup plus hésitante avec le Credo, le Salve et
les Commandements.
Un des prêtres lui ordonna de se présenter à sa paroisse
tous les vendredis, pendant trois ans, jusqu’à ce qu’elle sache correctement
son catéchisme ; il le consigna ainsi dans sa cédule.
Puis, comme c’était obligatoire, ils avaient dû se
confesser.
— C’est tout ? rugit le curé qui confessait
Fatima, quand cette dernière eut déclaré ses péchés.
Hernando, qui attendait son tour, debout à côté du
confessionnal, se fit tout petit.
— Don Juan a beau avoir ordonné votre mariage, il ne
sera pas valable si tu ne te confesses pas correctement et ne te repens pas de
tes péchés. Et ton adultère ? Tu vis dans le péché ! Vos fiançailles
mauresques n’ont aucune valeur. Et le soulèvement ? Qu’en est-il des
insultes, des blasphèmes, des assassinats et des sacrilèges que tu as
commis ?
Fatima bégaya.
— Je ne puis t’absoudre ! Je ne vois en toi ni
contrition, ni remords, ni désir d’amendement.
La jeune fille, agenouillée, ne put observer la moue
satisfaite du curé à l’intérieur du confessionnal, mais Hernando, en revanche,
aperçut le sourire d’Andrés et de l’autre prêtre, attentifs à la confession.
Pourquoi ces sourires ? S’ils ne se mariaient pas… L’Inquisition !
Ils vivaient dans le péché. Même le prince ne pourrait arrêter le Conseil
suprême du Saint-Office.
— Je confesse ! s’écria le garçon en
s’agenouillant. Je confesse que je vis dans le péché et je m’en repens. Je
confesse avoir assisté au sacrilège dans les églises…
Fatima se mit à répéter, mécaniquement, les phrases
d’Hernando.
Ils avouèrent tous deux les mille péchés que les prêtres
désiraient entendre, se repentirent et promirent qu’ils vivraient désormais
dans la vertu chrétienne. Ils passèrent la nuit en pénitence à l’intérieur de
l’église. Hernando pria à voix haute, s’efforçant de cacher par ses mots le
silence tenace dans lequel demeurait Fatima, agenouillée à ses côtés.
Le lendemain matin, en la seule présence de Brahim, aux
aguets, menaçant, et de quelques vieux chrétiens du village appelés en urgence
pour servir de témoins, le couple avait été marié. Ils avaient communié une
nouvelle fois. Hernando remarqua que son beau-père s’agitait, inquiet, devant
la formalité de la cérémonie, et il laissa l’hostie se dissoudre lentement dans
sa
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