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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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de
lui. « Un bâton ferait l’affaire », pensa-t-il. Les mules n’étaient
pas idiotes, mais celle-ci avait besoin d’une leçon. Il ne pouvait pas prendre
le risque qu’elles lui désobéissent avec son beau-père à proximité. Ce serait
lui qui finirait par recevoir le châtiment. C’est pourquoi il saisit une pierre
de bonne taille et revint vers l’animal du côté droit, un bras dans le dos. Dès
qu’elle sentit la présence du garçon, la mule s’apprêta à le mordre de nouveau
mais, avec la pierre, Hernando lui asséna un fort coup à la lèvre. La bête
secoua la tête et lança un braiment puissant. Hernando la poussa alors avec
douceur et la mule regagna sa place, soumise, dans le troupeau. Lorsqu’il leva
le regard, Hernando rencontra celui de son beau-père qui, tourné sur sa
monture, l’observait avec vigilance, attentif comme toujours à la moindre
erreur que pouvait commettre le jeune garçon pour le punir.
    Ils continuèrent leur ascension en direction d’Alcútar. Ils
passaient par un étroit sentier en file indienne, et n’avaient pas encore perdu
de vue Juviles quand l’écho d’une voix se répercuta dans les défilés, les
gorges et les montagnes. Hernando s’arrêta. Un frisson parcourut son dos.
Combien de fois Hamid le lui avait-il raconté ! Même au loin, le garçon
reconnut le timbre de voix de l’uléma, qu’il sentit fier, joyeux, vif,
pétillant ; il sentit la même satisfaction que le jour où il lui avait
montré l’épée du Prophète.
    — Venez à la prière ! entendirent-ils crier Hamid,
probablement du clocher de l’église.
    L’appel se faufila au fond des défilés abrupts, cognant
contre la roche et s’enroulant dans la végétation, pour remplir finalement
toute la vallée des Alpujarras, de la Sierra Nevada à la Contraviesa, et de là
jusqu’au ciel. Cela faisait plus de soixante ans que, sur ces terres, l’appel
du muezzin n’avait pas retenti.
    Le cortège s’arrêta. Hernando chercha le soleil et se
redressa afin de s’assurer que son ombre atteignait le double de sa
stature : c’était le bon moment.
    — Il n’y a de force et de pouvoir qu’en Dieu, le
Très-Haut, le Très-Grand, murmura-t-il, en chœur avec les autres.
    Telle était la réponse qu’ils récitaient tous les jours
depuis leur maison, en pleine nuit ou à midi, dans la plus grande discrétion,
veillant à ce qu’aucun chrétien ne pût les entendre de la rue.
    — Allah est grand ! cria ensuite Brahim, se dressant
de toute sa hauteur sur ses étriers et brandissant l’arquebuse au-dessus de sa
tête.
    Hernando se recroquevilla, effrayé par la silhouette et le
visage impitoyable de son beau-père.
    Aussitôt, son cri fut couvert par celui de tous les hommes
qui l’accompagnaient. Avec l’arquebuse, Brahim fit signe de continuer. Un homme
s’essuya les yeux avant de se remettre à marcher. Hernando l’entendit renifler
et se racler la gorge à plusieurs reprises, comme s’il s’efforçait de
dissimuler ses larmes, et il excita les mules, le chant d’Hamid vibrant encore
à ses oreilles.
    La population d’Alcútar, village situé à un peu plus d’une
lieue de Juviles, les accueillit avec la même liesse, les mêmes chants, danses
et cris de joie qu’à Juviles. Après avoir soulevé en armes les Maures du
village, El Partal et ses monfíes étaient partis vers Narila, leur lieu
d’origine, non loin de là, sans attendre l’arrivée de Brahim.
    Comme tous les villages des hautes Alpujarras, Alcútar était
un labyrinthe de ruelles qui montaient, descendaient et serpentaient, abritant
de petites maisons au toit plat, recouvertes de chaux. Brahim se dirigea vers
l’église.
    Un groupe de quinze à vingt chrétiens se trouvait rassemblé
devant les portes du temple, étroitement surveillé par des Maures munis de bâtons,
qui assiégeaient leurs captifs par des cris et des coups, comme des bergers
leurs brebis. Hernando suivit le regard terrifié d’une fillette dont la
chevelure blonde se détachait du groupe de chrétiens ; près de la façade
de l’église, le cadavre criblé de flèches du bénéficier du village faisait
l’objet des outrages d’une partie de ceux qui passaient à ses côtés, lui
crachaient dessus ou lui flanquaient des coups de pied. Près du bénéficier, à
genoux, un homme jeune, la main droite tranchée, tentait d’endiguer
l’hémorragie par laquelle sa vie s’échappait. Le sang se répandait sur la neige
fondue et

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