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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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l’ordre lorsque
Rafaela bondit derrière lui, jeta ses bras autour de son cou et l’embrassa sur
la bouche. La malle et le baluchon qu’il portait sur son dos tombèrent par
terre. Ce fut un baiser passionné qui rendit son frère Gil fou de rage. Les
soldats observaient la scène. Certains secouèrent la tête, plaignant leur
capitaine : sa sœur, chrétienne de souche, embrassant avidement un Maure.
Et en public !
    Gil Ulloa s’avança vers le couple et tenta violemment, sans
succès, de les séparer. Aussitôt, plusieurs soldats se précipitèrent pour aider
leur capitaine et se mirent à frapper Hernando. Bien que celui-ci entreprît de
se rendre, les coups s’abattirent sur lui avec plus de force. Rafaela s’écroula
dans un gémissement. Amin accourut pour défendre son père et décocha un coup de
pied à un soldat.
    Vaincu, le nez en sang, Hernando fut immobilisé par les
hommes de Gil Ulloa. Amin aussi saignait à la lèvre. Le magistrat donna alors
le dernier coup à son beau-frère.
    — Chien maure ! marmonna-t-il en le cognant
furieusement au visage.
    Rafaela, qui s’était relevée, s’approcha pour défendre son
époux, mais Gil la repoussa.
    — Réquisitionnez cette maison, au nom du roi !
    Étourdi, Hernando voulut protester, mais les soldats le
frappèrent de nouveau et le traînèrent vers le groupe de Maures qui avaient
assisté à la rixe. Amin et Laila furent poussés à la suite de leur père. Gil
donna l’ordre de continuer et les déportés se mirent en marche. Hernando et ses
enfants ramassèrent leurs affaires tandis que la colonne de Maures, encadrée de
soldats, passait devant leur maison.
    — Dieu ! Non ! cria Rafaela au passage de son
époux. Je t’aime, Hernando !
    Noyé au milieu de ses frères de foi, Hernando essaya de lui
répondre, mais ceux qui le suivaient le poussèrent et l’en empêchèrent. Il ne
put même pas se retourner. Le père et ses deux enfants furent entraînés par la
foule.
    À la fin de la matinée, près de dix mille Maures cordouans
avaient été réunis à l’extérieur de la ville, sur le campo de la Verdad, de
l’autre côté du pont romain, encadrés par les milices cordouanes qui les
surveillaient. Miguel aussi était là, avec sa mule et les chevaux chargés de
sacs, pour contrôler le marché qu’il avait conclu avec les Maures : c’est
lui qui reviendrait de Séville avec les animaux et l’argent.
     
    « Pourquoi pas ? », se demandait Fatima à
voix haute, seule dans son salon. « Pourquoi pas ? »
répéta-t-elle en éprouvant un doux frisson. Efraín avait quitté le palais
depuis un moment déjà, après lui avoir communiqué les dernières informations en
provenance de Cordoue. C’était elle-même qui lui avait ordonné de se renseigner
au sujet d’Ibn Hamid, quand les premiers Maures valenciens avaient commencé à
débarquer aux Barbaresques. Et le juif avait agi rapidement, avec efficacité,
au sein des réseaux commerciaux, qui faisaient fi des religions.
    Il avait obtenu les nouvelles suivantes : l’ordre
d’expulsion avait été décrété et Hernando ne tarderait pas à être déporté du
port de Séville. Il ne pourrait rien faire pour l’éviter. D’après ce qu’avait
appris le juif, Hernando Ruiz s’était gagné de nombreux ennemis parmi les
dirigeants de Cordoue et même de Grenade, où sa prétention à la qualité
d’hidalgo avait été rejetée. Son épouse chrétienne, en revanche, resterait en
Espagne avec leurs enfants de moins de six ans.
    Dès qu’Efraín quitta la salle, l’idée surgit à l’esprit de
Fatima. Elle parcourut du regard la vaste pièce. Meubles de marqueterie,
coussins et poufs, colonnes, sol de marbre et tapis, lampes… tout prenait un
sens nouveau, qui l’invitait à adopter une décision. Depuis longtemps elle
étouffait dans tout ce luxe : Abdul et Shamir avaient été capturés par la
flotte espagnole qui leur avait tendu un piège alors qu’ils tentaient d’aborder
un navire marchand servant en réalité d’appât. Comment avaient-ils pu être si
naïfs ? À cause d’un excès de confiance peut-être… Les marins d’une
embarcation ayant réussi à s’échapper avaient rapporté des informations
confuses et contradictoires : certains disaient qu’ils étaient morts,
d’autres qu’ils avaient été capturés. Un homme avait même prétendu les avoir
vus se jeter à la mer. Plus tard on raconta qu’ils avaient été condamnés aux
galères,

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