L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
d’une ancienne secte hérétique, venue d’Asie Mineure en Grèce, les Atsinganes dont subsistait, lorsque les tsiganes apparurent en terre byzantine, la réputation de magiciens et de devins. C’était en grec médiéval Athinganos : la prononciation populaire était Atsinganos ou Atsinkanos (11) .
Les estimations les plus récentes font état de trois à quatre millions de tsiganes dans le monde. Mais la plupart sont sédentaires. Il ne resterait que trois à quatre mille nomades. Les deux principaux groupes d’Europe occidentale sont les Rom et les Manouches.
C’est par l’étude des différents dialectes tsiganes que deux érudits allemands, Rudiger et Greelman, ont, en 1777 et 1783, « éclairci le mystère » de l’origine ; la diffusion de leurs lexiques comparatifs des langages indien et tsigane a en effet, dans toute l’Europe, provoqué de nouvelles comparaisons linguistiques qui ont confirmé que les tsiganes étaient originaires de l’Inde. Depuis cette époque, et toujours par l’étude de la langue, les chercheurs ont pu établir les itinéraires de cette longue et lente migration vers l’Ouest. Chaque région traversée enrichissant le vocabulaire des tsiganes. Établis au centre de l’Inde dès le troisième millénaire avant Jésus-Christ, les groupes qui donneront naissance à « l’entité » tsigane étaient semi-nomades comme la plupart des populations du sous-continent. Trois siècles avant Jésus-Christ un premier exode massif déplace l’ensemble des « rassemblements humains » vers le nord de l’Inde. Ils y resteront fixés près d’un millénaire avant d’entreprendre leur longue marche. Seuls les archéologues, en fouillant les premières habitations, pourront sans doute définir les raisons de l’exode. Ces déplacements de population, si fréquents dans la mise en place préhistorique de notre humanité, sont encore mal connus parce que rarement étudiés et leurs motivations ouvrent toutes les hypothèses. Il est probable que le premier transfert – centre, nord de l’Inde – ait été provoqué par une modification climatique (réchauffement et sécheresse). Les pâturages s’appauvrissant, les hommes de la cueillette et de l’élevage partent à la découverte d’une nouvelle terre sur laquelle ils se fixent. Je n’entrerai pas dans les polémiques d’indianistes qui alimentent les débats sans fin sur l’appartenance des ancêtres tsiganes aux basses castes – en particulier parias à qui sont réservés les métiers avilissants – et sur les raisons de la marche vers l’Ouest. Je rappellerai, près de nous, les gigantesques chassés croisés indo-pakistanais au lendemain de la partition. Il y a une quinzaine d’années, j’ai pu vivre nu nord du Brahmapoutre, le long des frontières du Bhoutan et du Tibet, l’exil de centaines de milliers d’indiens, survivants des massacres musulmans dits « du cheveu de Mahomet ». Peut-être les tsiganes du nord de l’Inde ont-ils été victimes d’une guerre religieuse, des prétentions territoriales d’envahisseurs, ou plus simplement de nouvelles dégradations climatiques bouleversant habitudes de récolte et environnement. Je pencherai personnellement vers l’hypothèse « guerre religieuse » – l’Inde s’illustra en permanence par de tels affrontements – pour la simple raison que seuls les tsiganes de ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui les « castes rejetées » ont entrepris le voyage de la sauvegarde. Mais la domination des tenants du pouvoir religieux « à imposer » s’est exercée avec une certaine souplesse tolérante car la mise en marche d’une partie de ce peuple par tribus ou par bandes s’est étalée sur plusieurs siècles : probablement de la fin du VII e au X e . Une redécouverte de la nomadisation, avec fixation temporaire dans les terres d’accueil. Les tsiganes mettront trois siècles pour atteindre l’Asie Mineure et l’Égypte après avoir essaimé en Afghanistan, Iran, Arménie, Irak. Ils seront en Crète dès le début du XIV e siècle, en Yougoslavie vers 1340, Roumanie 1370, Hongrie 1415. Alors là, soudainement et sans raison apparente, la « conquête marginale » s’accélère. La même année, des convois de roulottiers et cavaliers apparaissent en Tchécoslovaquie, en Autriche, en Suisse. Ils atteignent l’Italie, l’Allemagne, la Pologne en cinq ans. Ils sont à Mâcon en 1419, en Belgique et à Paris quelques mois plus
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