L'Homme au masque de fer
Castel-Rajac, qui semblait très ému, fit manœuvrer, avec la petite clef que lui avait remise M. de Saint-Mars le mécanisme secret du masque, qui s’entrouvrit aussitôt pour se diviser en deux parties et retomber lourdement sur le sol.
Sans prononcer un mot, les deux hommes s’étreignirent longuement.
Puis, Castel-Rajac dit :
– Mon fils… car, tu me permets bien de t’appeler encore ainsi ?
– Oui, mon père, et je vous le demande même en grâce.
– Je vais maintenant te dire la vérité sur ta naissance.
– Je la connais.
– Qui te l’a révélée ?
– Personne ! C’est de moi-même qu’a jailli la lumière. Mais mon père véritable, ce sera vous, toujours !
Et avec une nuance de mélancolie, dans laquelle n’entrait aucune amertume, il ajouta :
– Quant à ma mère, si vous la voyez, vous lui direz que je ne veux emporter d’elle que le souvenir des baisers qu’elle m’a donnés quand j’étais enfant. De même, que je suis trop respectueux des droits de mon frère le roi pour jamais me dresser contre lui, j’ai trop souci de l’honneur de la reine, notre mère, pour revendiquer auprès d’elle la place même obscure d’un enfant illégitime.
» Fort et fier des principes dans lesquels vous m’avez élevé, j’entends faire ma vie suivant les lignes que vous m’avez tracées, non pas en aventurier, mais en gentilhomme, et tout en m’engageant à ne jamais porter les armes contre mon pays, je veux consacrer tout ce que vous avez mis de bon en moi au service des nobles causes. Il n’en manque point sur cette terre. »
Et, ployant les genoux, il ajouta :
– Maintenant, bénissez-moi, mon père !
Castel-Rajac posa sa main robuste sur l’épaule d’Henry. Puis, il lui dit :
– Tu viens, mon enfant, de reconnaître au-delà de ce qu’il valait le bien que j’ai pu te faire. Oui, je te bénis de tout mon cœur affectueux, de toute mon âme dans laquelle tu ne cesseras de vivre et je te dis : sois le chevalier sans peur et sans reproche que tu m’annonces et Dieu, j’en suis sûr, t’en récompensera.
Le fils de Mazarin et d’Anne d’Autriche se releva et, d’un élan il se jeta entre les bras du valeureux Gascon. Ce fut une nouvelle étreinte, après laquelle Castel-Rajac dit à Henry :
– Voici une bourse bien garnie, qui va te permettre de gagner la ville de Gênes. Là, tu te rendras via Macelli, tu demanderas le signor Humberto Joffredi ; c’est lui qui est chargé de procéder à ton établissement qui doit être et sera celui d’un jeune gentilhomme riche et de bonne race.
– Père, je n’ai aucun désir d’argent.
– C’est la volonté de ceux qui t’aiment et tu n’as pas le droit de t’y soustraire. Tu choisiras toi-même le nom que tu veux porter.
– Ce sera le vôtre, père. Il n’en est pas un autre pour moi qui soit plus noble et plus sacré. J’espère que je m’en montrerai digne.
– Allons, au revoir, mon cher Henry.
– Oui, au revoir et à bientôt, n’est-ce pas ?
– Sois tranquille, je ferai tout pour me retrouver souvent avec toi !
Ils se serrèrent les mains vigoureusement. Henry se dirigea à pied vers un village dont on voyait les toits rouges se profiler sous le ciel bleu à travers les arbres. Castel-Rajac le regarda jusqu’à ce qu’il eût disparu. Comme un soupir douloureux lui échappait, il fit :
– Mordious, est-ce que, par hasard, je manquerais de courage ? Ce serait la première fois de ma vie.
Et, remontant en selle, il éperonna son cheval, tout en disant :
– Je crois que j’ai bien tenu mon serment ! Ma chère Marie va être contente !…
*
* *
Au milieu de sa joie, Castel-Rajac conservait cependant une certaine inquiétude. En effet, il était sans nouvelles de M. de Durbec et il se demandait ce que celui-ci avait bien pu devenir. Comme il se doutait qu’il manigançait dans l’ombre quelques sombres intrigues, et bien qu’il fût tout à fait tranquille au sujet d’Henry, il se demandait si cet oiseau de malheur n’allait pas s’apercevoir de la substitution du prisonnier et chercher noise à cet excellent gouverneur que le Gascon avait entraîné un peu malgré lui dans cette aventure.
Gaëtan était d’un tempérament trop généreux et trop chevaleresque, pour ne pas se préoccuper du mal qui pouvait arriver par sa faute à un homme qui lui avait rendu un aussi grand service.
Aussi, dès son arrivée à Cannes, après avoir été
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