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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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Marquis du Montferrat, comme qui dirait depuis quelque temps le Duc de Mantoue, lequel est devenu le seigneur de Nevers, et qui vient me dire que Nevers n’est ni mantouan ni montferrin je lui botte le train, pour ce que vous êtes des mirmidons ignares que de ces choses vous ne comprenez goutte et donc mieux vaut que vous restiez cois et laissiez faire votre maître qui du moins lui sait ce qu’est l’honneur. Mais comme vous l’honneur vous vous le colchiquez où je pense, vous devez savoir que si les Impériaux entrent à Casal, c’est gens qui ne s’embarrassent pas de finesses, vos vignes seront acravantées et vos femmes n’en parlons pas, allez. Raison pour quoi on part défendre Casal. Pour moi, je n’oblige personne. S’il y a quelque fourbe de fainéant qui n’est pas de cette idée, qu’il le dise sur-le-champ et je le pends haut et court à ce chêne. ».
    Aucun des présents ne pouvait encore avoir vu les eaux-fortes de Callot avec des grappes de gens comme eux qui pendouillaient d’autres chênes, mais l’air du temps en frémissait : tous levèrent qui leurs mousquets, qui leurs piques, qui des bâtons à la faucille liée au sommet et ils crièrent vive Casal à bas les Impériaux. Comme un seul homme.

    « Mon fils, dit le sieur Pozzo à Roberto tandis qu’ils chevauchaient de par les collines, avec leur petite armée qui suivait à pied, ce Nevers ne vaut pas une de mes couilles, et quand Vincenzo lui a passé le duché, son oiseau n’avait plus d’ailes et son cerveau non plus, qui d’ailleurs ne volait pas bien haut même avant. Mais il l’a passé à lui et pas à cette caillette de Guastalla, et les Pozzo sont vassaux des seigneurs légitimes du Montferrat depuis les temps où Berthe filait. Or donc on va à Casal et si on doit on se fait occire pour ce que, vingt dieux de girouette, tu ne peux pas rester avec quelqu’un tant que les choses vont bien et puis le lâcher quand il est dans la gadoue jusqu’au col. Mais si on ne nous occit pas, c’est mieux, adoncques ouvrir l’œil. »
    Le voyage de ces volontaires, depuis les confins de l’Alexandrin jusqu’à Casal, fut certainement parmi les plus longs dont l’histoire se souvienne. Le vieux Pozzo avait fait un raisonnement en soi exemplaire : « Je connais bien les Espagnols, avait-il dit, et ce sont gens qui aiment prendre leurs aises. Ils se dirigeront donc sur Casal en traversant la plaine du sud, car y passent mieux charrois, canons et engins divers. De ce fait, si, juste avant Mirabello, nous prenons la direction du couchant et le chemin des collines, nous employons un jour ou deux en plus mais nous arrivons sans rencontrer d’embarras, et avant qu’ils arrivent, eux. »
    Malheureusement Spinola avait des idées plus tortueuses sur la façon dont on devait préparer un siège et, tandis qu’au sud-est de Casal il commençait à faire occuper Valenza et Occimiano, depuis quelques semaines il avait envoyé à l’ouest de la ville le duc de Lerma, Ottavio Sforza et le comte de Gembourg, avec environ sept mille fantassins, pour chercher à prendre tout de suite les châteaux de Rosignano, Pontestura et San Giorgio, afin de bloquer toute aide possible qui parviendrait de l’armée française, alors qu’en tenaille du nord vers le sud le gouverneur d’Alexandrie, don Geronimo Augustin, traversait le Pô avec cinq mille autres hommes. Tous disposés le long du trajet que Pozzo croyait copieusement désert. Et point ne put, quand notre gentilhomme le sut par quelques paysans, changer de route, car à l’est il y avait désormais plus d’impériaux qu’à l’ouest.
    Pozzo dit simplement : « Cela ne fait pas un pli pour nous. Je connais ces endroits mieux qu’eux, et on va y passer au milieu comme des fouines. » Ce qui impliquait une quantité de plis et de courbes à faire plutôt considérable. Au point de rencontrer jusqu’aux Français de Pontestura, qui, entre-temps, s’étaient rendus et, pourvu qu’ils ne rentrassent pas à Casal, on leur avait accordé de descendre vers Finale d’où ils pourraient rejoindre la France par la mer. Ceux de la Grive les croisèrent du côté d’Otteglia, ils manquèrent se tirer mutuellement dessus, chacun croyant que les autres étaient des ennemis, et Pozzo apprit par leur commandant que parmi les conditions de la reddition on avait aussi établi que le blé de Pontestura fût vendu aux Espagnols, et que ceux-ci enverraient l’argent aux

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