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L'immature

L'immature

Titel: L'immature Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Garot
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sens, je le sais. On ne peut pas ne pas venir et me punir. Mon voisin a allumé sa veilleuse. Il me regarde sans comprendre. Dans les autres chambres, j'entends parler. A minuit, pensez donc, j'ai dû réveiller tout le monde. Tant pis, il faut qu'on m'entende … et qu'ils cèdent … enfin.
— Dindin, viens ici ! dit le veilleur.
Je me lève, confiant. Et je suis sot de croire qu'on va me faire sortir. Un matricule peut-il faire sortir un autre matricule ? Mon sort est entre les mains du docteur et de lui seul. Je sais qu'il y a une salle, que je ne connais pas encore, où l'on enferme les récalcitrants jusqu'à ce qu'ils soient calmés. C'est là que je finirai ma nuit.
Je tourne en rond. Deux tours. Dix tours. Cent tours. Et je pleure. Je cogne. On ne m'entend plus. J'ai beau hurler... c'est comme si je n'existais plus pour personne.
     
    Dans la fraîcheur du petit matin je sursaute :sous mes yeux, une salle capitonnée de coussins rouges avec un grand lit plat à même le sol et un pot de chambre dans un coin. J'ai dormi hors du lit et j'ai mal aux reins. Si je ne suis pas encore fou, vais-je le devenir ? Pourquoi ne suis-je pas mort ?
— Maman !
Cela fait longtemps que ne n'ai pas appelé ma mère. Je ne pensais même plus à elle, tellement je souffrais.
— Viens ! me dit-on tout à coup.
J'entre à nouveau dans le bureau du docteur.
— Alors, mon petit Maurice, tu n'es pas raisonnable ?
Moi je suis comme dans un cauchemar. Je ne sens plus ma tête et je n'ai plus la force de souffrir. Tout ce que je dis, croyez-moi, c'est la vérité.
— M'sieur, si j'ai pris des cachets l'autre soir, ce n'est pas parce que je voulais mourir … Oh ! Non... Au contraire, j'ai très envie de vivre, moi. J'avais bu, M'sieur, vous comprenez ?
Il est surpris, le docteur. Evidemment ! Rencontre-t-il souvent de ces gosses qui se saoulent pour se suicider ? Comme le dit Jacquot : « Tu devrais être honteux, gamin ! Si j'avais un gosse comme toi, il serait déjà en maison de correction ! » Pourvu que le docteur ne m'expédie pas dans ce genre de maison. Mais le docteur se tait et je ne sais pas trop ce que cela veut dire.

C'est vrai que le jour où j'ai avalé ces cachets, je n'étais pas dans un état normal. Pourquoi le cacherais-je à présent que je n'ai plus rien à perdre ? Fou pour fou... Je m'étais senti attiré par un bistrot de la place Ducale, un petit estaminet d'un genre mauvais où les femmes fument sur des tabourets hauts. On m'a servi une bière, puis une autre ; et j'ai dû payer le tout avec l'argent du bus. C'est pourquoi je suis reparti à pieds. Ce que j'avais bu me détraquait complètement. J'ai alors longtemps marché dans la rue, la grande rue populeuse. Et je me suis mis à voir ce monde comme dans un mauvais rêve. Je n'étais plus le même qu'avant. L'alcool, de toute façon, me réussit mal. Voilà, M'sieur le docteur, vous voyez bien que je ne suis pas fou...
Alors le docteur empoigne son téléphone et demande au central:
— Appelez-moi Busigny, la poste !
Et arrive ce que je n'espérais plus : ma Liberté !
— Tu vas sortir, gamin, tu vas sortir … Mais surtout …
Inutile, cher docteur.
Inutile de me dire que je ne dois plus boire : je le sais tout aussi bien que toi. Et je sais aussi ce que tu es entrain d'écrire sur ta feuille.
Tu écris : « Petit immature, normalisation thymique. »
Et je rirai dehors.
Oui, je rirai.

EPILOGUE
    Ma mère s'est trompée. Dans sa hâte, elle a emporté un pantalon de Vautrin, croyant que c'était le mien. Mais cela ne fait rien : l'essentiel c'est qu'elle soit venue me rechercher.
Je lui ai donné la main, tant pis si ça fait drôle.
— Devine un peu la nouvelle, me dit-elle.
Aussitôt j'ai pensé à l'école. Que je n'y remettrais plus les pieds. Qu'on m'avait trouvé un travail. Bref, à tout sauf à cela. Et l'on a marché dans les couloirs de l'hôpital, jusqu'à ce banc où il était assis. Cela m'a fait un choc. J'ai même su alors que plus jamais je ne mourrais. J'ai crié:
— Freddy !
Freddy porte un grand manteau gris. Il a l'air pauvre, oh si pauvre... Mais je me moque bien de tout ce qui s'est passé : ce qu'on lui a fait voir en Algérie ou bien ailleurs. Simplement, je me suis jeté dans ses bras.
Freddy me serre très fort contre son cœur. Maman pleure. Et, l'espace d'un éclair, je réalise.
Là-haut, il y a les fous : les uns, comme moi, qu'on comprendra peut-être un jour ; les autres qu'on ne comprendra

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