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L'oeil de Dieu

L'oeil de Dieu

Titel: L'oeil de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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lentement vers l’inconnu.
    — Viens plus près, dit de nouveau la voix, avec le rien d’agacement dont userait un père qui perdrait patience avec un enfant rétif.
    Megan approcha encore. Si elle n’endiguait pas sa panique, elle éclaterait en pitoyables sanglots, à moins qu’elle ne pousse des cris hystériques. Il ne le fallait pas, non, ou l’inconnu croirait qu’elle voulait l’attaquer ou lui tendre un piège. D’un autre côté, si elle partait en courant, il ferait en sorte que ce soit sa dernière nuit sur terre. S’humectant les lèvres, Megan, la tête haute, approcha si près que l’odeur de pourriture du gibet lui effleura les narines. Elle jeta un furtif regard à la tête du pendu. Son visage tordu d’un côté semblait porter sur elle un sourire grimaçant dans la pâleur du clair de lune. Le mystérieux inconnu s’était placé de sorte que son manteau à capuchon l’enveloppait complètement, et le masque qui dissimulait son visage ne laissait voir que ses dents acérées immaculées, et l’éclat malveillant de son unique oeil valide.
    — Me voilà, murmura Megan. Je suis venue comme vous l’avez demandé.
    — Bien sûr.
    La voix avait une pointe d’accent gaélique, à présent. L’inconnu empoigna soudain Megan par l’épaule, la serrant comme un étau de métal. Les yeux clos, la femme gémit d’effroi.
    Il la secoua.
    — Regarde alentour, Megan ! Regarde !
    Il relâcha sa prise, et la femme s’exécuta : ses yeux se portèrent sur les grands arbres sombres de la forêt de Blean.
    — C’est un lieu étrange, murmura l’homme. On assure qu’ici des nécromants sans visage, vêtus de longues peaux, dépouilles d’animaux encore pourvues de queues immenses, invoquent Merderus, la Reine de la Nuit, pour qu’elle leur vienne en aide. Le crois-tu ? En Irlande, nous le croyons.
    L’inconnu parlait avec un accent mélodieux, mais Megan, en vérité, le redoutait davantage qu’une cohorte de sorcières volant dans les ténèbres de la nuit vers quelque sinistre sabbat ou autre messe noire.
    L’homme soupira avant de poursuivre sur le ton du bavardage :
    — On dit que la guerre est finie, le savais-tu, ma fille ?
    Il éclata d’un rire brusque.
    — Bien sûr, tu le savais. Les cadavres des lancastriens s’amoncellent en tas hauts jusqu’à mi-corps, et les collines de Barnet et de Tewkesbury sont détrempées de leur sang. Le roi Édouard IV est revenu avec sa jolie poupée d’épouse et ses frères impitoyables, et chacun doit rentrer chez soi. Fini, le temps des tueries, nous avons la paix, jusqu’à la prochaine fois.
    — Que voulez-vous ? balbutia Megan.
    — Tu sais ce que je veux, répliqua l’homme.
    Édouard IV a réglé ses griefs avec Lancastre. À nous de régler les nôtres, et tu nous aideras, une fois l’heure venue. Lorsque le message te parviendra, tu feras ce que je t’ordonnerai, n’est-ce pas ? Nous sommes du même sang, tout comme le traître Colum Murtagh.
    Megan, blême, le regarda, les yeux écarquillés d’effroi.
    — Jure ! siffla l’étranger.
    Prenant sa main, il la plaqua de force sur le gibet gluant.
    — Jure le devant moi, Padraig Fitzroy !
    Megan ne maîtrisait plus sa terreur.
    — Je jure, hurla-t-elle, oui, je jure, je jure !
    Elle libéra sa main et tomba à genoux en sanglotant, ses longs cheveux s’éparpillant autour d’elle. Mais quand elle leva les yeux, l’inconnu avait disparu. La croisée des chemins était déserte, et seul le gibet qui grinçait dans le vent glacé soufflant du sud-ouest troublait le silence. Megan tapota ses cheveux rouges trempés de sueur et scruta la nuit. Elle était née irlandaise et connaissait les horreurs des règlements des clans : les Chiens d’Ulster étaient venus en Angleterre traquer son maître. Colum Murtagh était leur proie, et elle-même servirait d’appât.

 
    CHAPITRE PREMIER
    — Montrez-moi votre blessure.
    Le soldat remonta la manche de son justaucorps en cuir, puis celle de sa chemise blanche crasseuse. Le bras apparut, bronzé, maigre et musclé, avec une longue entaille suppurante juste au-dessus du poignet. La femme se pencha pour la flairer sans hâte. Le pus gris-vert exhalait une vague odeur de putréfaction, et la vilaine cicatrice était boursouflée. Le poison que sécrétait la blessure enflammait son pourtour, et l’inflammation gagnait le reste du bras.
    — Vous voulez me soigner ou me manger ? demanda le soldat,

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