Marilyn, le dernier secret
alors.
Avant que l'un de ses fans ne s'offusque de mon ignorance, autant l'avouer d'emblée : je ne pense pas avoir vu l'ensemble de l'œuvre cinématographique de la Blonde. Pis, je n'en suis même pas désolé. Certes, j'y travaille, j'y prends plaisir, mais je considère que rien ne presse.
En fait, en y réfléchissant mieux, à l'évocation de son nom je revois surtout le générique de La Dernière Séance sur FR3. Avec les fauteuils rouges, l'ouvreuse aux formes charnues et Eddy Mitchell présentant La Rivière sans retour . Un Schmoll qui semble davantage fasciné par Robert Mitchum à qui il veut ressembler.
Rio Bravo , La Prisonnière du désert , Les Sept Mercenaires … J'ai toujours aimé les westerns, mais… pas celui-là.
Personne ne s'en choquera puisque depuis j'ai appris que Marilyn elle-même ne supportait pas le film d'Otto Preminger.
*
En fait, mon seul souvenir précis d'un film de Marilyn est Certains l'aiment chaud . Peut-être parce que je l'ai découvert plus tard. Peut-être parce que j'ai toujours trouvé le titre de la version originale plus efficace que sa traduction littérale.
Some Like It Hot … Presque un slogan publicitaire évoquant l'Amérique des années 1950. Celle qui n'avait pas encore perdu son innocence, qui n'avait pas été violentée par l'assassinat de John F. Kennedy, puis par la débâcle vietnamienne. Une Amérique qui sentait bon la vanille de ses milk-shakes , qui se reflétait dans les chromes d'une Cadillac, et qui ne confondait pas encore enthousiasme avec despotisme.
Et puis, il y avait Billy Wilder et son sens inné, unique même, de la comédie. De la réplique au cordeau. Nobody's perfect … Wilder, un Audiard qui posséderait le sens du tempo. Un amateur de jazz virtuose dans l'art de la mise en scène.
Marilyn dans tout cela ? Un nom de scène aux réminiscences de Cuba d'avant Fidel. Et un ukulélé. Oui, dans Some Like It Hot , Sugar Kane grattouille le ukulélé. Seul Wilder pouvait inventer cela. S'offrir l'ultime sex-symbol made in Hollywood et lui glisser entre les doigts le plus ridicule des instruments.
Une ultime image – ou plutôt un dernier magnéto – m'attache à cette œuvre : le son de la voix de Tony Curtis partageant ses souvenirs de tournage. Premier rôle au côté de Jack Lemmon, plus beau gosse que l'autre, il est celui qui succombe aux charmes sucrés de la blonde atomique. L'intrigue ? Peu importe, le film repose sur l'attente. Celle du baiser entre Tony et Marilyn.
Or tout vient à point à qui sait attendre. Les yeux se ferment, les cous se tendent, les lèvres se touchent. Et ça dure. Et là, sur écran scintillant, Tony fait des millions de jaloux. Des hordes de mâles prêts à se battre pour prendre sa place. Nous sommes en 1959 et Marilyn se trouve au sommet. Chaque geste, chaque apparition publique de la star déclenchent des mouvements de foules. Mais voilà, Norma Jean se refuse à la masse, offrant, en noir et blanc, ses soupirs au beau Curtis.
Et lui ?
*
Lui, il fait la fine bouche. Et les mots qui en sortent sont à la hauteur d'un tournage marqué par les retards, les absences et les trous de mémoire de l'actrice.
« Embrasser Marilyn, lâche-t-il, c'est comme embrasser Hitler. »
Hitler, comme il aurait pu dire Judas.
Il faudra attendre 2001 pour que Tony, né Bernard Schwartz, revienne sur ces propos. Marilyn ? Hitler ? Jamais, au grand jamais, lui, le fier gamin d'une famille de Juifs hongrois du Bronx, n'a prononcé une telle ignominie.
Où se trouve la vérité ?
Finalement peu importe, la légende a tranché.
Dans notre mémoire collective, l'étreinte de Marilyn prend à tout jamais des accents de soufre et de mort.
3. Boussole
La tirade se voulait assassine. Jacques Chapus n'avait guère apprécié ma contribution à l'affaire Dominici. Peut-être parce que j'avais réussi à prouver que, correspondant pour France-Soir en 1952, il avait créé un faux devenu ensuite la pièce essentielle de l'enquête [1] .
Quoi qu'il en soit, en pleine expédition punitive, de plateaux télé en studios radio, ce journaliste retraité avait lâché quelque chose comme : « Dominici. Kennedy. Et pourquoi pas, demain, Marilyn Monroe ! »
Pourquoi pas ?
La progression était somme toute logique. Elle me renvoyait même au 26 octobre 1998 quand, ce soir-là, le service public – encore ! – se penchait sur la mort de l'actrice. Dans D'un monde à l'autre , Paul Amar recevait
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