Marilyn, le dernier secret
Don Wolfe. L'Américain venait de publier chez Albin Michel un livre explosif consacré aux dernières heures de la star [2] .
Le programme de l'émission était donc alléchant : « Marilyn Monroe : assassinat ou suicide ? À l'occasion de la sortie du livre de Don Wolfe qui a mené une enquête pendant près de dix ans sur la mort de Marilyn Monroe. Don Wolfe présente sa thèse qui accuse la Mafia et le clan Kennedy de la mort de la star [3] . »
Je n'avais pas lu l'ouvrage de Wolfe. La couverture médiatique importante obtenue à sa sortie avait suffi à satisfaire une curiosité limitée. Pour faire simple, l'auteur accusait Bobby Kennedy, frère du président et Attorney General [4] des États-Unis, d'avoir ordonné l'assassinat de Marilyn Monroe. Non seulement Wolfe racontait les dernières heures de l'actrice, mais encore il dévoilait une impressionnante manipulation au sommet du pouvoir afin d'empêcher l'éclosion de la vérité.
Sur le plateau d'Amar, Wolfe, en gentleman posé, se montrait plus que convaincant. À l'entendre énumérer ses preuves et ses nouveaux témoins, la démonstration semblait pouvoir tenir la route.
Minuit approchait, les yeux d'Amar brillaient et France 2 venait donc de répondre : Marilyn Monroe avait été assassinée.
*
Lors de la sortie du livre de Don Wolfe, sans qu'une quelconque coordination entre les deux maisons d'édition ait été organisée, je publiais moi-même ma première enquête sur les événements du 22 novembre 1963. Et, de fait, comme ils l'avaient déjà été prétendument en 1962, JFK et Marilyn se retrouvaient liés.
Aussi était-il difficile de résister à la tentation de tracer des correspondances entre les deux destins tragiques. Forcément, on me demanda mon avis sur les révélations de Wolfe.
Ma position était simple. Je n'avais jamais été séduit par l'icône Kennedy. L'homme, comme le président, avait des qualités remarquables. Mais aussi des défauts à la hauteur de celles-ci. Je connaissais, menées par Joseph, le père tyrannique, les différentes étapes de la marche vers le pouvoir. Et je savais que, pour le clan, l'obligation de réussir pardonnait tous les excès.
L'esprit de compétition poussé à son extrême suffisait-il pour autant à justifier le meurtre ?
C'était en tout cas le cœur de la théorie de Wolfe. D'après lui, Marilyn avait mal vécu sa séparation d'avec John, puis, quelques mois plus tard, d'avec Robert. L'actrice nourrissait le sentiment d'avoir été abusée par les deux hommes les plus puissants du pays. Toujours selon Wolfe, la Blonde avait donc menacé JFK et RFK de rendre publique cette double relation adultérine. Et, pis encore, de dévoiler les confidences reçues sur l'oreiller. Des secrets consignés dans un journal intime à la couverture rouge où se mêleraient contacts avec la Mafia et opérations clandestines de la CIA. Selon Don Wolfe, ce contenu, forcément explosif, aurait marqué la fin de la dynastie Kennedy, emportée par l'infamie d'un scandale d'État
Il fallait l'admettre. Si tout cela était vrai, l'élimination d'une telle menace paraissait plus… compréhensible. Presque logique. Tout en me refusant à critiquer un travail que je ne connaissais pas suffisamment, je remarquai toutefois qu'un aspect de la thèse Wolfe heurtait ma logique.
À l'entendre, Robert Kennedy se serait rendu à plusieurs reprises au domicile de Marilyn Monroe le 4 août 1962. Y compris en fin de soirée, lorsque le sort de l'actrice aurait été définitivement scellé.
Sans connaître les preuves de Wolfe, ce que je savais du parcours électoral de John et Robert éveilla mes doutes. Durant la campagne présidentielle de 1960, le clan avait inventé la politique moderne. Et outre l'aspect jubilatoire d'une communication fondée sur l'accessibilité de son candidat, les Kennedy étaient devenus des experts dans le contrôle de cette fameuse image. Dès lors, l'idée que l'Attorney General courût le risque de se trouver sur les lieux même d'un futur assassinat me paraissait hautement improbable.
*
Tous ces souvenirs, ces interrogations, remontèrent à la surface durant le fort médiatique automne 2003. Où, pour la première fois, le cas Marilyn me parut moins futile.
À mieux y réfléchir, au-delà du mystère supposé de sa fin, son univers correspondait au mien. Du moins, à celui qui, depuis longtemps, me fascinait.
Pas celui des stars et des paillettes de la célébrité
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