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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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pris la fille à part pour l’entendre me confirmer cette histoire, continua le visiteur. Je voulais lui parler sans la présence de ses parents.
    — A-t-elle contredit leur version des faits ?
    — Non, au contraire, elle a répété la même chose.
    Mathieu ne dissimula pas son trouble.
    — Dans ces conditions... je ne comprends pas votre présence ici.
    — Elle mentait, c’est sûr. Elle les craignait, même si nous parlions seul à seul. Mais étant donné qu’elle disait comme eux, je ne savais pas quoi faire.
    — Vous pensez que ces personnes, les parents, l’ont maltraitée.
    — Je ne savais pas quoi faire, répéta le juge de paix. D’un côté, elle disait comme eux...

    — Maintenant, vous craignez pour son existence.
    — Un voisin m’a alerté hier. Sa vie serait menacée.
    Mathieu referma sa plume sans avoir écrit un mot, perplexe.
    — Je n’ai pas entendu monsieur Moreau revenir à son bureau, remarqua-t-il. Vous savez, je suis encore étudiant.
    Mon expérience est bien insuffisante... Attendez-moi.
    Le garçon alla dans la pièce voisine passer un coup de fil.
    — Le substitut du procureur général va vous recevoir, dit-il à son retour. Venez avec moi.
    Il endossa son paletot, quitta l’édifice de la bibliothèque pour entrer dans celui de l’Assemblée législative par une porte de côté. Son compagnon ouvrait de grands yeux sur la splendeur des lieux. Il balbutia en saluant le haut fonctionnaire.
    Arthur Fitzpatrick les invita à s’asseoir. Mathieu prit sur lui de commencer :
    — Monsieur Mailhot vient nous signaler la présence d’une enfant maltraitée dans sa paroisse. Sa condition paraît très précaire.
    En quelques phrases, il résuma la situation. Le substitut du procureur n’aurait pas enduré bien longtemps le récit hésitant, peu cohérent, du visiteur.
    — Des accidents arrivent souvent, dans une ferme, déclara-t-il à la fin. Avez-vous des témoins pouvant confirmer que des coups ont été portés ?
    — Il ne s’agit pas d’accidents, protesta le juge de paix.
    Personne n’en subit autant dans une année.
    — Même si ce sont des corrections... Les parents ont le devoir de punir leurs enfants.
    Ce rappel de la responsabilité des parents chrétiens ne rasséréna pas le visiteur.
    — À ce point-là, ce ne sont plus des corrections, mais des tentatives de meurtre.

    — Vous n’avez pas de preuves de cela. La fillette confirme la version des parents à propos des blessures que vous avez vues. Pour le reste, il s’agit de babillages de voisins.
    — Vous n’enverrez personne de la Police provinciale ?
    L’homme écarquillait les yeux, incrédule.
    — En tant que juge de paix, vous devez recueillir des informations. Faites enquête, ramassez des preuves. Vous verrez bien si ce sont de simples racontars de voisins jaloux, ou bien si des actes répréhensibles sont vraiment commis.
    Je ne sais pas comment faire cela, une enquête. Je suis marchand général...
    - Vous êtes aussi juge de paix.
    Jamais Oréus Mailhot n’avait été si près de remettre sa démission. Ce grand bourgeois devait avoir trois domestiques pour chercher son pantalon, le matin. Il ignorait totalement la réalité des campagnes. Il se leva en disant :
    — Monsieur, je vous remercie beaucoup de votre aide.
    Chargée d’ironie, la voix amena son interlocuteur à se raidir.
    — Je vous souhaite un bon voyage de retour, monsieur Mailhot.
    En quittant la pièce, il salua l’étudiant d’un signe de la tête. Quand la porte se ferma dans son dos, Mathieu risqua :
    — Cette petite fille..
    — Picard, vous n’allez pas vous mettre aussi de la partie.
    Ce bonhomme ne s’est même pas donné la peine d’aller la voir.
    Son patron avait raison. Ce marchand général devait craindre de perdre une partie de sa clientèle en s’intéressant de trop près à la vie privée d’un cultivateur.
    — Excusez-moi, vous avez raison. Ces gens n’ont toutefois aucune connaissance du droit.

    — S’ils en avaient, nous n’aurions pas les moyens de les payer.
    Fitzpatrick secoua la tête, comme pour chasser de son esprit une petite fille maltraitée.
    — Appréciez-vous votre travail ici ?
    — Au début, j’ai eu du mal à tout comprendre. Maintenant, je crois bien m’en sortir.
    — J’aime vos résumés. En septembre, je vérifiais leur exactitude avec soin. Maintenant, vos comptes rendus me suffisent pour prendre une décision sur les mesures à adopter.
    Le jeune homme

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