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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dans laquelle il mettrait tout le poids de sa soutane.

    Chapitre 2

    Le juge de paix se promettait de visiter tous les habitants du septième rang afin de glaner des informations sur cette fameuse affaire. Mais d’abord, il devait gagner sa vie.
    L’avant-midi du jeudi matin se passa à servir les clients du magasin général, peu nombreux mais désireux de partager les nouvelles de leur coin de paroisse. De longues conversations décousues accompagnaient les quelques achats.
    Peu avant midi, le téléphone sonna dans son petit bureau: trois longs coups suivis d’un bref. C’était pour lui.
    — Je ne ferai certainement pas de livraison avant le dîner, maugréa-t-il.
    L’appareil, une boîte rectangulaire affublée de deux cornets, était accroché au mur. Mailhot décrocha l’écouteur pour le mettre à son oreille.
    — Allô?
    — Oréus, commença la voix de l’abbé Massé, je viens de recevoir un appel d’Exilda Lemay. Elle se trouve chez les Gagnon.
    — Ils l’ont tuée.
    II y eut un bruit sur la ligne. Une partie de la paroisse partageait la même. Trois ou quatre personnes au moins devaient être à l’écoute.
    — Elle se trouve au plus mal. Tu peux me conduire ?

    Cinq minutes plus tard, tout Fortierville serait au courant.
    Des voisins charitables informeraient les personnes trop pauvres pour payer le prix d’un abonnement téléphonique.
    — Bien sûr. Le temps d’atteler, et je vous prends devant le presbytère.
    Le marchand raccrocha le cornet de bakélite, s’adossa au mur, les yeux fermés.
    — Jésus-Christ! siffla-t-il entre ses dents.
    Après un court laps de temps, il secoua le poids qui l’accablait, se planta au pied de l’escalier pour crier à sa femme :
    — Je dois emmener le curé dans le septième rang. Tu devras t’occuper du magasin.
    Son épouse descendit quelques marches.
    — C’est nouveau. D’habitude, le petit professeur de collège recrute une grenouille de bénitier de soixante ans pour ses visites aux malades.
    — Il s’agit de la petite Gagnon.
    Elle demeura silencieuse un moment.
    — Seigneur ! laissa-t-elle tomber.
    Mailhot hocha la tête, puis alla prendre son paletot et son chapeau en fourrure dans l’entrepôt, au fond du magasin. Il sortit de ce côté de la maison, gagna l’écurie.
    Cinq minutes plus tard, il encourageait sa petite jument de la voix. Le prêtre se tenait debout près de la rue Principale, offrant une silhouette étroite, étrangement fragile. L’ecclésiastique grimpa dans le traîneau, remonta la peau de buffle sur ses jambes. En cette période la plus froide de l’année, la moindre promenade pouvait devenir glaciale.

    *****

    Le marchand ne pouvait abreuver son curé de reproches, aussi demeura-t-il silencieux. De toute façon, lequel des deux en méritait le plus? Quand il se rangea près de la maison des Gagnon, une autre voiture d’hiver venait juste d’arriver. Un lu mime en descendait, un petit sac en cuir à la main.
    Docteur Lafond, attendez un peu.
    Le temps d’attacher les rênes de son cheval à un poteau de clôture tout près, Mailhot s’approcha pour demander:
    — Quand vous a-t-on appelé ?
    Il y a un peu plus d’une heure. J’étais chez un malade.
    Le temps de terminer, puis de venir... Pourquoi?
    — Je pense que vous le devinerez bien assez tôt. Qui vous a contacté?
    I autre lui jeta un regard intrigué.
    — La mère, madame Gagnon. Elle m’a dit que sa fille délirait.
    Le prêtre frappait déjà à la porte.
    — Regardez-la bien, murmura le juge de paix, faites en sorte de vous rappeler les détails.
    En disant ces mots, il contemplait la vaste maison, solidement construite, blanchie à la chaux. Plusieurs bâtiments de ferme se dressaient un peu plus loin de la route. Les Gagnon affichaient une honnête aisance. Les deux hommes pénétrèrent à leur tour dans la demeure. Exilda Lemay, une voisine, paraissait décidée à assumer le rôle d’hôtesse.
    — Entrez, entrez. Je suis tellement soulagée de vous voir enfin arriver.
    II s’agissait d’une grande femme d’une cinquantaine d’années, le visage large, les traits mobiles.
    — La petite se trouve là, continua-t-elle, dans la chambre.
    Le médecin ne perdit pas un instant. De son côté, le prêtre se dirigea vers la femme assise dans une chaise berçante, près d’une fenêtre.
    — Madame Gagnon...
    Le reste de ses paroles se perdit quand il se pencha pour lui parler à l’oreille. Mailhot retourna son attention vers

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