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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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apprécia le compliment, remercia son interlocuteur d’un sourire.
    — Vous simplifiez certainement la vie de Moreau.
    — J’ai beaucoup appris avec lui.
    — En plus, vous êtes loyal. Il prendra sa retraite lorsque vous terminerez vos études. Si cela vous intéresse...
    Un moment, Mathieu s’imagina quarante ans plus tard, à l’aube des années 1960, tout pâle pour avoir passé des décennies dans un bureau miteux à l’étage de la bibliothèque de l’Assemblée législative. L’image lui donna le vertige. Il se leva en disant de sa voix de vendeur de vêtements pour dames :
    — Je vous remercie infiniment, monsieur. Je ne vous retarderai pas plus longtemps. A la fin de mes études de droit, j’espère pouvoir aborder de nouveau ce sujet avec vous.
    En mettant la main sur la poignée de la porte, il se tourna à demi.
    — Excusez-moi encore de vous avoir dérangé avec cette affaire.
    — Ce n’est rien, je comprends. Nous entendons parfois des histoires qui touchent au cœur.
    Après un dernier salut de la tête, le stagiaire se retira.

    *****
    Mailhot descendit du train en début de soirée. La gare, située au rez-de-chaussée d’une maison de cultivateur, était déserte. Il enfonça son casque en poil bas sur ses yeux, serra d’une main le col de son paletot contre sa gorge avant d’affronter le vent glacial.
    En rentrant dans le magasin général, il trouva sa femme derrière le comptoir, une assiette devant elle, la fourchette à la main.
    Alors? demanda-t-elle sans autre préambule.
    - Les beaux messieurs ne feront rien. Je dois trouver des preuves, et porter plainte. La police ne viendra que si je trouve matière à porter des accusations.
    - Comment vas-tu faire cela ?
    Je ne sais pas. Demain, j’irai rencontrer le curé.
    Le représentant de Dieu incarnant la personne la plus Instruite de la paroisse, ce serait son opinion qui, à la fin, prévaudrait.
    Elle acquiesça d’un signe de la tête, puis lui conseilla: Verrouille derrière toi, il ne viendra plus personne.
    Ton repas attend en haut, dans le réchaud.
    Elle ramassa son assiette et s’engagea dans l’escalier, lui laissant le soin de souffler les deux lampes à l’huile.

    *****
    Le curé Ferdinand Massé occupait un immense presbytère situé à deux pas de l’église paroissiale. Quand Oréus Mailhot frappa à une porte de côté, une vieille dame revêche vint ouvrir. L’âge avait opéré suffisamment de ravages sur son visage et son corps pour faire taire les histoires scabreuses promptes à se répandre dans de petites communautés. Cette
    «madame
    curé»
    risquait
    peu,
    par
    ses
    charmes,
    de détourner le saint homme de son devoir.
    — Je veux voir monsieur le curé.
    — Je vais voir s’il peut vous recevoir, répondit-elle en tournant les talons. Entrez, ne faites pas geler la maison.
    Sa gentillesse n’allait pas jusqu’à l’inviter à s’asseoir. Le visiteur demeura dans l’entrée en attendant que l’ecclésiastique le rejoigne. Celui-ci, grand et mince, affichait un air juvénile, peut-
    être
    à
    cause
    de
    ses
    années
    d’enseignement
    au
    collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Son visage glabre était souligné par des lunettes à très fine monture en métal.
    — Oréus, commença-t-il, comment vas-tu ?
    — Bien... Cela ne semble pas être le cas de tout le monde, dans la paroisse.
    L’autre en fut décontenancé, puis répliqua:
    — La situation du vieux Tousignant s’est-elle détériorée ?
    — Non, ce n’est pas ça.
    Un bruit leur parvint depuis la cuisine attenante.
    L’agacement pointa dans les yeux du visiteur.
    — Viens dans mon bureau, nous serons plus tranquilles.
    La pièce se situait immédiatement sur leur gauche. Le marchand regarda ses bottes couvertes de neige, frappa les pieds l’un contre l’autre afin de les nettoyer un peu, puis s’efforça de suivre la bande de tissu posée sur le plancher, une catalogne de trente pouces de largeur environ. La ménagère, prévoyante et peu portée sur le lavage des planchers, avait tracé ainsi un véritable chemin jusqu’aux deux chaises réservées aux invités.
    L’abbé Massé lui désigna l’une d’elles, s’installa dans son propre siège, de l’autre côté du bureau.

    — Personne ne nous entendra, ici. Tu peux parler.
    — Avant-hier, Adjutor Gagnon est passé au magasin pour me signaler la très mauvaise condition de la petite Aurore Gagnon.
    — Je sais. Il est passé ici aussi.
    — Selon lui,

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