Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
dire que M. Jacek et lui travailleraient pour rien.
    – Si tu me permets, papa, je ne suis pas d’accord. Ce soir, au
Caveau
, nous avons parlé de ça et même mes professeurs ont des doutes sur l’imminence d’une guerre.
    Tomasz balaya de la main l’objection de son fils et se versa un autre verre.
    – Croyez-moi, je les attends de partout. Tous les morceaux sont en place. Même les jeunes Allemandes sont forcées de donner une année de leur vie au service du Reich, à condition...
    Tomasz s’interrompit, avala une gorgée, secoua la tête de découragement et d’incrédulité avant d’enchaîner.
    – À condition qu’elles ne soient pas juives!
    – Bon Dieu! Mais c’est qu’il est sérieux, cet homme. Qu’est-ce qu’il a contre les juifs? Le Christ était juif.
    Soudain, Villeneuve semblait affolé. Jerzy haussa les épaules et lui répondit que Hitler leur cherchait noise depuis des années. Tomasz n’écoutait plus. Les avant-bras appuyés sur les cuisses et les mains jointes, il commença à parler d’une voix monocorde, comme s’il essayait de ne pas distraire ses pensées.
    – Hitler s’est installé un peu partout et, depuis un an, a grignoté les frontières de la Tchécoslovaquie. Maintenant, il est à Prague et presque personne n’a réagi. Il a lancé une sorte d’ultimatum à la Pologne. Ou bien le gouvernement polonais remet Dantzig au Reich, ou bien on ne sait trop. L’Angleterre et la France, j’en suis certain, comprennent mal la gravité de la requête. L’Angleterre promet de nous défendre pendant que la France signe avec l’Allemagne un traité de bonne entente. Vous me suivez?
    Jerzy regarda son père, hypnotisé. Il avait certes l’habitude de l’entendre disserter, mais jamais il n’avait si bien vu le professeur d’histoire qu’il était. Villeneuve, qui allait porter son verre à ses lèvres, interrompit son geste.
    – La France croit encore en ses traités avec nous pendant que Hitler veut être le seul à contrôler l’Europe centrale! Je suis peut-être myope, François, mais la France a choisi d’être borgne!
    Tomasz se leva et commença à arpenter la pièce. Jerzy ne l’avait jamais vu aussi troublé. Il regarda sa mère, qui ne lui sembla pas affolée. Villeneuve, lui, mesurait les limites de sa compréhension du cœur polonais de son ami. Sa peur, ses craintes, oui. La haine séculaire plantée dans le cœur, non. Zofia s’approchade son mari et lui frotta doucement une épaule pour le calmer.
    – Tu te tortures tout seul, Tomasz. Attends que le temps...
    À la surprise de Jerzy, Tomasz enleva la main de Zofia un peu trop brusquement. Il s’en excusa aussitôt en la lui baisant et se rassit, découragé.
    – Nous n’avons plus le temps d’attendre. Je ne comprends pas que les gens ne voient pas en ce mégalomane un démon qui n’a qu’une envie: jouer à saute-mouton par-dessus toutes les frontières et marquer les gens au fer rouge...
    Jan venait d’entrer dans le salon en se frottant les yeux pour les protéger de la lumière, si tamisée qu’elle fût. Il se dirigea vers son père et lui demanda de parler moins fort.
    – Tes mots se mélangent dans mes rêves et ils sont moins jolis.
    Tomasz s’excusa sincèrement et promit de baisser le ton. Voulant s’assurer que Jan n’avait pas saisi le sens des propos de Tomasz, Zofia lui demanda à quoi il rêvait.
    – J’ai fait deux rêves.
    – Deux?
    – Oui. Dans le premier, je rêvais aux semis que nous allons faire la semaine prochaine à Wezerow.
    Jerzy le regarda d’un air sceptique, le rêve de Jan étant trop à propos pour qu’il y croie. Il trouvait d’ailleurs que son frère avait un air un peu trop éveillé pour un enfant tiré du sommeil en pleine nuit.
    – Et dans mon deuxième rêve, je collais plein de feuilles rouges que le père Villeneuve m’avait envoyées.
    – Tu collais des feuilles?
    – Oui, dans mon herbier.
    Jan regarda le père Villeneuve d’un air interrogatif. Ce dernier se passa l’index sous le nez avant d’avouer qu’il ne pouvait en être comme dans le rêve puisqu’il n’y avait pas de feuilles rouges au Manitoba.
    – Elles ont de belles couleurs mais pas autant que celles des érables à sucre.
    Complètement éveillé, Jan ne put cacher sa déception. Il sortit en faisant une moue tout en gardant un œil bien ouvert sur les réactions à sa petite mise en scène. Revenu dans sa chambre, il entrebâilla la porte pour continuer

Weitere Kostenlose Bücher