Meurtres Sur Le Palatin
les côtes
tant elle riait.
-
Aide-moi au lieu de ricaner ! la rabroua son cousin. Aïe ! Io !
Il
s'assit sur les sobres mosaïques en se frottant le dos de sa main et sa cousine
vint s'accroupir à ses côtés.
-
Io ? appela-t-elle en se penchant pour plonger son regard dans celui du félin,
toujours à l'abri du sommier. Pas de bain... pas de viande ! chantonna-t-elle
avec une mimique menaçante en secouant la tête. Non, non.
Un
couinement pathétique monta de sous le lit et une tête tachetée ne tarda pas à
en émerger.
-
Saleté ! s'emporta le jeune centurion en l'attrapant par la peau du cou pour
lui mettre sa main blessée sous le museau, faisant japper le fauve. Regarde ce
que tu as fait !
Avec
un regard coupable débordant d'humanité, le léopard voulut lécher la plaie de son
maître mais celui-ci ne lui en laissa pas l'occasion et la tira sans douceur
vers la porte, suivi par les railleries de Concordia.
-
Pas de doute, quelqu'un s'est acharné sur ce pauvre garçon... Pas moins de
dix-sept coups de couteau.
Hildr
rabattit le drap sur le cadavre qu'elle venait d'examiner, ou peut-être
serait-il plus adéquat de dire "de disséquer", et son esclave
personnel rinça ses instruments de chirurgie avant de les envelopper dans un
linge propre.
Matticus,
qui observait la scène depuis la porte de la petite infirmerie aux murs
aveugles, ne put contenir un frisson. Et l'acre odeur de sang qui empuantissait
l'air en était certainement moins responsable que celle qui en avait les mains
couvertes.
Hildr
était le genre de femme pouvant facilement impressionner quiconque, mains
ensanglantées ou pas.
Par
sa haute taille, pour commencer, puisqu'elle dépassait ses semblables, et la
plupart des hommes également, de plusieurs pouces. Mais aussi par une assurance
teintée de réserve et une détermination inébranlable qui se lisaient dès que
l'on croisait les feux pâles de ses yeux trop bleus, dont avait hérité son fils
Kaeso. Des prunelles qui paraissaient pouvoir vous transpercer de part en part
pour fouiller les tréfonds bourbeux de vos secrets les plus inavouables.
À
cinquante ans passés, ses longs cheveux blonds de "barbare germaine"
commençaient à peine à se strier de gris et sa silhouette féline et élancée en
aurait remontré à plus d'une jeune femme ayant la moitié de son âge. Tout comme
son visage, qui entrait rarement en contact avec les fards dont les Romaines
adoraient se "plâtrer".
La
beauté de Hildr était de celles qui ne nécessitaient nul artifice pour se faire
remarquer. Sa peau blanche, ses lèvres pulpeuses et ses traits volontaires,
peut-être un rien masculins au goût de certains, suffisaient à attirer tous les
regards.
Quant
à ses convictions, ses dieux ou à sa façon d'appréhender le monde, ils
n'avaient rien de latin ni même de purement "germanique" car elle
était bructère, de ceux qui avaient infligé les pires défaites aux envahisseurs
romains.
Ces
mêmes Bructères, bien connus pour leur sauvagerie et qui, contrairement à leurs
frères de race, étaient menés au combat non par leurs chefs de tribu mais par
leurs reines et prophétesses.
Hildr
avait été l'une d'entre elles avant de devenir la prise de guerre, puis
l'esclave de Drusus, le frère de l'empereur Tibère César. La prophétesse de son
clan. Une princesse bructère belle et sauvage comme un jeune fauve. Et
autrement plus brillante que les nobles Romaines qui l'avaient toujours traitée
avec mépris et condescendance.
Ni
son statut parmi les siens, ni ses connaissances occultes, ni le rang élevé de
son défunt époux, Marcus Concordianus Licinus, le père de Kaeso, qui l'avait
achetée à Drusus, affranchie puis épousée, n'avaient jamais pu briser le mur de
mépris qui isolait Hildr du monde soi-disant si "raffiné" et si "ouvert"
des enfants de la louve.
-
Maîtresse ? Maîtresse Hildr !
Celle-ci,
tirée brutalement de ses pensées, se tourna vers l'homme qui était son esclave
personnel depuis plus de trente ans.
Il
s'apprêtait à nouer une bande de gaze autour de la tête du cadavre pour éviter
que sa bouche ne bâille et ne se transforme "en abreuvoir à mouches",
comme disait Matticus avec son tact habituel.
-
Qu'y a-t-il, Acarius ?
-
Il y a quelque chose. Là, sous sa langue. Hildr approcha sa lampe à huile de la
tête du défunt et se pencha sur son visage, dont son serviteur maintenait à
présent les mâchoires grandes ouvertes.
-
On dirait...,
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