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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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semble aller plus vite que son expression
verbale. Que contenait ce vertige insurmontable ? L’imaginaire s’étalait
sous moi et je pouvais le saisir : il n’était donc pas irréel, et ce n’est
pas le vide matériel qui me hantait, cet après-midi-là, tandis que je
redescendais tant bien que mal les pentes du pog de Montségur. Je me demande si je n’ai pas eu la vision fulgurante de la
tragédie qui s’est déroulée en cet endroit en cette année 1244 qui vit périr
dans les flammes, au bas du pog , deux cent
cinq « parfaits ». Et par-delà ce sacrifice, dont la fumée n’est pas
éteinte, je pense qu’il y avait aussi le vide immense que constitue l’énigme
cathare. Le mystère fait toujours peur. Mais il attire. Il y a une certaine
jouissance à se trouver en proie au vertige : pénétrer les abîmes de l’ombre
est un acte aussi excitant, aussi exaltant que de s’envoler vers les flammes du
soleil. C’est sans doute parce que l’ombre et la lumière sont les deux aspects
apparemment contradictoires d’une réalité essentielle unique.
    Le dualisme des Cathares serait-il un faux dualisme ?
    Je suis revenu à Montségur, quatre ans plus tard. Je n’avais
aucune raison de n’y point revenir et de ne point grimper jusqu’en haut. Mais, cette
fois, lorsque je suis monté, je l’ai fait lentement, prudemment, en m’arrêtant
à chaque palier, à chaque bizarrerie du terrain, pour
me retourner et pour regarder le chemin que je venais de parcourir, comment
il se présentait, la distance qui me séparait du bas.
    Dans le château, il n’y avait pas de vent. Et il n’y avait
personne. En cette matinée d’automne, le soleil était doux, caressant, familier.
Vers le nord, flottait un peu de brume. Vers le sud, la grande masse des
Pyrénées se fondait dans un ciel encore très pâle. La pierre des murailles
avait des teintes d’autrefois, et là-haut, sur la plate-forme, je pouvais
regarder l’horizon et les ravins gigantesques dans lesquels je n’avais aucune
crainte de m’engloutir. L’espace qui se déployait sous moi était le mien. Et le
village de Montségur m’offrait ses toits rouges comme un appel au repos et au
calme paisible de la vie, très loin des tourmentes et des tempêtes qui secouent
le monde. Je savais qu’il existait, quelque part dans ces montagnes, un havre
de paix où je pourrais trouver le sommeil du voyageur.
    Mais j’avais également compris qu’il faut toujours regarder
derrière soi lorsqu’on s’aventure sur des sentiers inconnus : c’est en
repérant soigneusement le chemin parcouru qu’on tire profit de toute quête, parce
que ce qui compte, en définitive, ce n’est pas l’objet mystérieux qui brille
derrière un écran de brume, mais la quête elle-même qui y conduit…

I I LE CHÂTEAU DE MONTSÉGUR
    L’envoûtement provoqué par Montségur, quel que soit son
degré d’intensité, tient à deux principales causes : d’une part, la
forteresse qui porte ce nom se trouve dans une situation tout à fait
remarquable ; d’autre part, elle a été le théâtre d’une tragédie
historique dont les zones d’ombre sont suffisamment importantes pour susciter
les fantasmes les plus délirants. À cela, il faudrait d’ailleurs ajouter les
motivations spécifiques de tous ceux qui s’intéressent à Montségur et aux
Cathares, et qui, très vraisemblablement, n’y cherchent point la même chose.
    La forteresse de Montségur se trouve sur un pog , c’est-à-dire sur un puy ( pech ou puig ),
terme qu’on a cru provenir du latin podium (endroit
élevé) mais qui, en réalité, remonte beaucoup plus loin, aux époques
préceltiques, semble-t-il, et qu’on retrouve dans le français pic.
    Cela dit, la forteresse n’occupe pas tout le pog de Montségur. Le pog lui-même, est un énorme bloc de roches calcaires d’une longueur voisine d’un
kilomètre et d’une largeur allant de trois à cinq cents mètres. L’altitude
maximale est de 1 218 mètres. Ce bloc rocheux se détache du massif du Tabe
(que certains veulent absolument nommer Thabor), massif formé par les Monts d’Olmes,
les Monts de la Frau (1 925 mètres), les pics du Saint-Barthélémy
(2 348 mètres) et du Soularac (2 368 mètres). De ce sommet, la vue
est imprenable dans toutes les directions, et l’on comprend que le site ait été
occupé depuis la plus haute antiquité : il constituait, encore plus qu’un « mont
sûr », un véritable « beau-voir », un poste

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