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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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par un haut dôme quadrangulaire, l’impressionne sans qu’il en laisse rien paraître.
    Il entre le dernier du groupe pour admirer les huit colonnes corinthiennes, le fronton, les statues qui le surmontent, l’horloge encadrée de guirlandes.
    Il franchit les grilles de l’une des trois portes. Il entre dans la cour de récréation éclairée par douze gros réverbères.
    Les cadets sont logés dans l’aile droite. Il traverse des salles où les élèves jouent au trictrac, aux échecs, aux dames, quand la pluie les chasse de la cour.
    Le parloir n’a pas l’austérité et la froideur de celui de l’école de Brienne. Un grand tableau représente Louis XV. Les rideaux sont de toile de coton blanc, et les tentures, de damas rouge d’Abbeville. Les banquettes et les sièges sont recouverts d’un tapis orné de roses vert et blanc.
    Bonaparte pénètre dans les salles de classe, dont les murs sont revêtus d’un papier à fond bleu sur lequel brillent les fleurs de lys et les chiffres du roi en couleur d’or. Les portes sont vitrées et, comme les croisées, encadrées de tentures.
    Le luxe, la magnificence, l’abondance frappent aussitôt l’adolescent.
    Il prend son premier repas dans le réfectoire, assis à une table de dix. Les mets sont nombreux, les viandes sont suivies de desserts et de fruits. Les domestiques servent avec cérémonie.
    Parmi les cadets-gentilshommes, aux côtés des boursiers, il remarque des jeunes gens de la grande noblesse qui paient deux mille livres par an pour être élèves de l’école.
    N’étaient leur morgue, leur absence de résultats scolaires – car s’ils suivent les cours, ils n’étudient pas –, on ne le distinguerait pas de la masse des cent vingt-six cadets.
    Mais Napoléon, dès le premier jour, sent qu’un duc de Fleury, un Laval-Montmorency, un Puységur, un prince de Rohan Guéménée, cousin du roi, le regardent avec mépris puis détournent la tête pour manifester qu’ils sont d’une autre race, que ce boursier fils d’un petit noble corse est tout juste français parce que l’armée royale a conquis son île.
    Ces coups d’oeil, dès les premiers instants, ternissent l’enthousiasme de Bonaparte.
    Mais que croient-ils, ceux-là ? Il n’a pas plié quand il était un enfant de neuf ans, imaginent-ils qu’il va baisser sa garde alors que cette ville, ce bâtiment, ces salles, tout lui prouve qu’il est un vainqueur ?
    Cette certitude le rend moins âpre, même s’il reste intransigeant, inflexible. La beauté des lieux, l’attention avec laquelle on traite les cadets-gentilshommes, la présence même, parmi eux, de ces descendants des plus illustres familles du royaume l’assurent qu’il fait partie du petit nombre qui est appelé à diriger. Son orgueil en est avivé, et sa susceptibilité s’en trouve à la fois calmée et renforcée. « On » l’a reconnu, soit, mais qu’on ne le provoque pas : il n’en serait que plus déterminé à défendre ses origines, sa pensée.
    Mais, dès lors qu’on le respecte, il se montre amical, parce qu’il n’est plus l’écorché vif d’antan. Sa première réussite a pansé quelques plaies.
    Il partagera ainsi, pendant son séjour à l’école, sa chambre avec un élève, son aîné, qui a été désigné pour lui servir d’instructeur d’infanterie.
    Cet Alexandre Des Mazis s’est montré attentif, amical, prévenant même. Bonaparte a répondu à ses avances et il accepte ce compagnonnage.
    La chambre est petite, dispose d’une couchette de fer, de chaises, d’un bas d’armoire à l’embrasure de la fenêtre. Là sont rangées les trois paires de souliers réglementaires. Cette chambre ouvre sur une pièce aux murs de bois éclairée par des réverbères et chauffée par plusieurs poêles de faïence : le dortoir.
    Rien d’austère, donc, dans cette école militaire, et Bonaparte, quand il aura vu les salles d’armes, admiré les soixante chevaux du manège – des coursiers fins, espagnols, dont quelques-uns coûtent huit cents et mille livres –, se convainc qu’on le traite comme un fils de grand seigneur.
    Pourtant, il se cabre de nouveau. Il lui faut ne pas se laisser corrompre par ce luxe dont il sait, avec lucidité, qu’il n’est que passager.
    Il connaît les ressources de sa famille. Le statut de boursier l’a fait accéder à une situation inespérée. Maintenant, il faut arracher plus par le travail, le talent, parce que tout ce luxe disparaîtra

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