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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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leur liberté » au moment où les troupes de Dumouriez viennent de remporter sur les Autrichiens la grande victoire de Jemmapes et occupent la Belgique, faut-il encore rester dans l’ombre de Paoli ?
    Il y a d’autres Corses, les conventionnels Saliceti, Chiappe, Casabianca, qui ont choisi sans réticence d’être du côté de la France et de la République. Avec eux, avec Saliceti surtout, Napoléon et tout le clan Bonaparte ont depuis toujours des relations amicales. Alors pourquoi continuer derrière Paoli ?
    — Paoli et Pozzo di Borgo, c’est une faction, confie Napoléon à son frère Joseph.
    Et, devant les réticences et les prudences de son frère aîné, il ajoute :
    — Une faction antinationale.
    Dans les cantonnements de son bataillon, lorsque les volontaires se rassemblent autour de lui, Napoléon les harangue, exalte les armées de la République :
    — Les nôtres ne s’endorment pas, dit-il, la Savoie et le comté de Nice sont pris.
    Il fixe l’un après l’autre chaque volontaire, répète : « Les nôtres. » C’est-à-dire les Français. Puis, ménageant son effet, reculant d’un pas, il ajoute :
    — La Sardaigne sera bientôt attaquée.
    Les volontaires lèvent leurs armes.
    — Les soldats de la liberté triompheront toujours des esclaves stipendiés de quelques tyrans, conclut-il.
    Les mots sont venus naturellement dans sa bouche, bousculant les prudences, mots surgis après de longs mois d’hésitation et de maturation. Et, ce choix fait, Napoléon se sent comme libéré. Il bouscule l’entourage de Paoli, parvient enfin à se trouver face à celui qu’il juge maintenant comme un vieil homme avec qui il n’y a plus de précautions à prendre, parce qu’il est un obstacle qu’on peut encore utiliser comme un bouclier mais renverser aussi. Il suffit simplement de choisir le moment.
    Napoléon s’adresse à lui avec vigueur. Le ton est si vif que certains proches de Paoli murmurent.
    Napoléon exige. Il veut son commandement, il y a droit. Les Corses doivent intervenir dans la guerre de la République. Si on lui refuse ce qu’il demande, conclut-il, il partira, et d’Ajaccio il écrira à Paris pour dénoncer les lenteurs, les tracasseries, pour ne pas dire les trahisons, d’une faction antinationale.
    Paoli écoute, les yeux mi-clos, puis, d’une voix calme et ferme, dit simplement :
    — Vous pouvez partir, si vous le voulez.
     
    C’est Paoli qui tient la Corse. Cette pensée, tout le long du retour vers Ajaccio, puis durant les semaines qui suivent, ne quitte pas Napoléon.
    Il faut renverser son pouvoir et, pour cela, devenir plus encore français.
    Dans la maison de la rue Saint-Charles, Napoléon reçoit l’amiral Truguet, un jeune et brillant officier qui commande la flottille rassemblée pour une attaque contre la Sardaigne. On danse. L’amiral courtise Élisa, entraîne Pauline et Caroline.
    Puis c’est Huguet de Sémonville, un diplomate en route pour Constantinople, qui, lors de son passage à Ajaccio, se joint aux fêtes données par les Bonaparte.
    Il prononce des discours au club patriotique de la ville, et Lucien, avec autorité, malgré ses dix-huit ans, lui sert d’interprète et bientôt de secrétaire. Napoléon propose même de loger Sémonville et sa famille dans une de leurs maisons de campagne à Ucciani.
    Il fait visiter Ajaccio à ses hôtes, mais il sent l’hostilité de la population. Le clan Bonaparte devient le clan français.
    Lorsque au mois de décembre les marins de la flotte de Truguet, puis des volontaires marseillais arrivés à Ajaccio, provoquent des rixes avec les volontaires corses, tuent certains d’entre eux, Napoléon les dénonce : « Ces Marseillais sont des anarchistes, qui portent partout la terreur, cherchent les aristocrates ou les prêtres et ont soif de sang et de crimes. »
    Mais, quoi qu’il dise, il sait qu’il est désormais aux yeux des Corses celui qui a choisi la France.
     
    Dès lors, il doit aller jusqu’au bout.
    Il correspond avec Saliceti, qui vient de voter, à la Convention, la mort du roi. Et pourtant il mesure, à la fin du mois de janvier 1793, la rupture que l’exécution de Louis XVI achève de consommer entre une majorité de Corses et la France.
    On lui rapporte les propos de Paoli, qui a condamné l’exécution de Louis XVI. « Nous ne voulons pas être les bourreaux des rois », a dit le Babbo . Près de lui, Pozzo di Borgo est l’avocat talentueux d’une

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