[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
auxquels il remet les drapeaux désormais couronnés d’aigles aux ailes déployées soient non seulement héroïques, mais fidèles.
Attachés à sa personne.
Aux Tuileries, il les reçoit dans son cabinet de travail. Le chambellan, Thiard, introduit dans la pièce, à tour de rôle après les avoir appelés d’une voix de stentor, les généraux, les amiraux, les colonels qui doivent prêter à l’Empereur un serment personnel.
Il a voulu cela, ce lien direct.
Il regarde longuement chacun de ces hommes dont il connaît les actes de bravoure, les qualités et les faiblesses. Il dit à chacun d’eux quelques mots après la lecture du serment.
Gouverner, c’est donner le sentiment que l’Empereur parle et agit pour chaque personne en particulier et attend d’elle un acte singulier.
Il dit au général Lauriston :
— Souvenez-vous toujours de ces trois choses : réunion de forces, activité et ferme résolution de périr avec gloire.
Il quitte sa table.
— Ce sont ces trois grands principes de l’art militaire, qui m’ont toujours rendu la Fortune favorable dans toutes mes opérations, reprend-il.
Il regarde au-dehors et ajoute d’un ton brusque :
— La mort n’est rien. Mais vivre vaincu et sans gloire, c’est mourir tous les jours.
Il neige et il fait froid à fendre les pierres, durant ce mois de décembre. Mais Napoléon, si frileux d’habitude, n’est qu’à peine sensible à ce vent glacial, à ces bourrasques de neige.
Ces revues des gardes nationales venues de tout l’Empire, ces corps d’armée qui défilent, ces représentants de toutes les institutions qui lui font allégeance lui permettent d’oublier la rudesse de l’hiver.
Le dimanche 16 décembre, il s’avance sur le balcon de l’Hôtel de Ville pour la fête que lui offre la municipalité de Paris.
C’est lui qui va déclencher le feu d’artifice gigantesque. Les fusées dessinent dans le ciel, le Saint-Bernard qui, comme un volcan, vomit des flammes, cependant qu’apparaît la silhouette de Bonaparte franchissant le col.
C’est moi qui ai fait cela .
Il se souvient. Tant de défis relevés, et peut-être sont-ils bien peu, comparés à ceux qui l’attendent.
Lorsqu’ils se présenteront, il sera plus fort. Parce qu’il est l’Empereur de cette nation rassemblée autour de lui.
Quelques jours plus tard, il entre dans la salle de l’Opéra. Là sont réunis tous les maréchaux qui ont de leurs deniers organisé cette fête en son honneur.
Il ne craint plus la rébellion de quelques-uns d’entre eux.
Ils sont maréchaux. Ils acceptent donc qu’il soit l’Empereur.
Son « système », comme il l’a dit à Roederer, a fonctionné.
Mais que feraient ces hommes s’il était un jour vaincu, à terre ?
Est-ce l’heure d’y songer ?
Il ouvre le bal avec Joséphine au milieu des acclamations, dans la lumière dorée de cent lustres.
Pourquoi ne triompherait-il pas demain comme il a été victorieux hier ?
Il danse dans le regard admiratif des couples qui se pressent autour de la piste de bal.
Il se sent si jeune encore. Il est dans sa trente-cinquième année.
Huitième partie
Les têtes couronnées n’y entendent rien :
je ne crains pas la vieille Europe
Janvier 1805 – Août 1805
32.
Napoléon jette un coup d’oeil à Marie-Antoinette Duchâtel qui marche, appuyée à son bras, dans les allées du parc de la Malmaison. Voilà plus d’une heure qu’ils se promènent ainsi côte à côte, dans ce début d’après-midi d’une journée de janvier 1805 glaciale mais ensoleillée. Mme Duchâtel a les joues rosies par le froid. Elle est parfois prise de frissons, mais il ne lui propose pas de rentrer. Dans le salon se pressent les invités de Joséphine. Ils doivent, tout en caquetant, regarder le parc, baisser les yeux et la voix, faire comme s’ils ne voyaient pas Napoléon en compagnie de cette jeune femme qu’ils connaissent bien et dont ils savent quelles sont les relations avec l’Empereur.
Je fais ce que je veux .
Joséphine doit soupirer, maugréer. N’a-t-elle pas eu tout ce qu’elle désirait ? Son mariage religieux, le sacre, la gloire. Alors il faut bien qu’elle accepte Mme Duchâtel.
Il lui serre le bras. A-t-elle froid ?
La maison, dit-il, est plus glacée que le parc, mais il veut y passer quelques jours pour s’éloigner un peu de Paris, chasser, se promener sous les arbres avec elle. Parler aussi.
Sait-elle qu’il n’oublie
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