[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
sont unanimes, dit-il.
Napoléon annonce seulement qu’il rentre à Paris.
Il savait, avant cette réunion, qu’il fallait retirer à Fouché le ministère de la Police générale. Il n’a pu accepter cette opposition au Consulat à vie que Fouché a manifestée sans se dissimuler. Fouché est persuadé aussi que le péril aristocrate existe encore ! Allons donc. Les émigrés sont presque tous rentrés et se sont rués au service du Premier consul. Jusqu’à ce Chateaubriand, qui rêve d’un poste diplomatique !
Le seul danger, ce sont les généraux, vieux jacobins rancis que l’ambition et la jalousie aveuglent. Ils ne comprennent pas qu’il faut, pour être admis par les royaumes et les empires d’Europe, que « la forme des gouvernements qui nous environnent se rapproche de la nôtre ou que nos institutions politiques soient un peu plus en harmonie avec les leurs. Il y a toujours un esprit de guerre entre les vieilles monarchies et une République toute nouvelle »
Devenons roi, alors, peut-être accepteront-ils les conquêtes et les transformations de la Révolution et de la République .
Napoléon convoque Fouché aux Tuileries. Il ne veut pas faire de cet homme un ennemi. Mais le calme et l’assurance de Fouché le surprennent toujours et l’irritent.
— Monsieur Fouché, commence Napoléon, vous avez très bien servi le gouvernement. C’est avec regret que je me sépare d’un homme de votre mérite.
Fouché reste imperturbable. Il a ce petit sourire insupportable, comme s’il n’était en rien surpris par ce que Napoléon lui annonce. Il fera partie du Sénat. La suppression du ministère de la Police générale, rattaché désormais au Grand Juge Régnier, à la Justice donc, est imposée par la nouvelle situation internationale.
« Il a bien fallu, explique Napoléon, prouver à l’Europe que je m’enfonçais franchement dans le système pacifique et que je me reposais sur l’amour des Français. »
Mais un homme comme lui sait tout cela, ou ne se paie pas de mots.
— Vous vous en doutiez ? interroge Napoléon.
Naturellement, Fouché acquiesce, demande à présenter un mémoire sur la situation politique et l’emploi des fonds secrets de son ministère.
Napoléon l’écoute parler des périls qui subsistent, de la « coterie d’eunuques politiques qui au premier ébranlement livrerait l’État aux royalistes et à l’étranger ».
Napoléon le fixe. Cet homme est résolu. Il donne une impression de force. Il annonce maintenant qu’il reste dans sa caisse secrète deux millions quatre cent mille francs.
— Citoyen sénateur, dit Napoléon, je serai plus généreux et plus équitable que ne le fut Sieyès à l’égard de ce pauvre Roger Ducos en se partageant devant moi le gras de caisse du Directoire expirant. Gardez la moitié de la somme que vous me remettez ; ce n’est pas trop, comme marque de ma satisfaction personnelle et privée ; l’autre moitié entrera dans la caisse de ma police particulière qui, d’après vos sages avis, prendra un nouvel essor et sur laquelle je vous prierai de me donner souvent vos idées.
Il ne faut jamais cesser d’être sur ses gardes.
Le nouveau chef de la Police politique, Desmarets, vient d’annoncer la capture à Calais d’un prêtre, l’abbé David, qui, tremblant de peur, a avoué servir d’intermédiaire entre le général Moreau et le général Pichegru exilé en Angleterre. Desmarets a cru bon de relâcher l’abbé David, afin de le faire suivre. Mais ses espions seront-ils aussi efficaces que ceux de Fouché ?
C’est Londres, comme chaque fois, qui sert de refuge aux plus déterminés des ennemis, et sans doute les Anglais leur donnent-ils les moyens d’agir. La question revient, hante Napoléon : « Sommes-nous en paix, ou est-ce seulement une trêve ? »
Il a décidé qu’il donnerait chaque 15 du mois un grand dîner. Il y invite des artistes, des fabricants, des diplomates. Le 15 octobre 1802, il présente à Fox, un parlementaire britannique, et à lord Holland trois manufacturiers : Bruguet, Mont-golfier, Touney, qui viennent de participer à l’Exposition de l’industrie nationale et qui ont obtenu une médaille d’or.
Puis, durant le dîner, il interroge Fox, qui est assis à sa droite. Que veut l’Angleterre ? demande-t-il. Pourquoi laisse-t-elle le comte d’Artois, frère de Louis XVI, passer en revue un régiment, alors que Londres ne reconnaît plus cette
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