[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
monarchie, puisqu’elle traite avec la France consulaire ?
Fox se dérobe. Il est partisan de la paix, mais n’est-il pas l’un des seuls ?
Faudra-t-il à nouveau faire la guerre, alors que la paix commence à peine et que, comme chaque citoyen de ce pays, j’en jouis ?
Napoléon se rend en bateau au château de Saint-Cloud avec Hortense, qui maintenant est sur le point d’accoucher. Les rumeurs sur la paternité de Napoléon n’ont pas cessé, au contraire. Mais, après tout, peut-être est-il heureux qu’on le croie ?
Napoléon prend le bras d’Hortense, qui marche péniblement dans les allées du château de Saint-Cloud. Il regarde ce pavillon de l’Orangerie, où, il y a moins de trois années, s’est joué son destin. C’est là qu’il a pris le pouvoir. Mais il pouvait aussi tout perdre.
Il a redécouvert il y a peu le château de Saint-Cloud. Les Tuileries sont tristes. Il y est trop proche de Joséphine. Elle a l’habitude qu’il dorme avec elle. Quant à la Malmaison, c’est son domaine. Saint-Cloud, ce sera chez lui. Et même si Joséphine s’y installe, et il le faut, il a fait aménager pour lui un petit appartement privé au-dessus du cabinet de travail.
À chaque étape d’une vie, il faut des lieux. Ici, à Saint-Cloud, c’est la demeure du Premier consul à vie.
Il avance lentement au milieu de la galerie d’Apollon. Il sourit. De chaque côté de la galerie richement décorée se tiennent les proches, les invités, ou les aides de camp et les femmes. Ils s’inclinent et il les salue d’un petit mouvement de tête.
Il sait que derrière lui, loin derrière lui, suivent Cambacérès et Lebrun. Cambacérès donne la main à Joséphine. Puis viennent les membres de la Maison consulaire, suivis par les valets en livrée verte galonnée d’or.
Il faut une étiquette pour donner à voir le pouvoir et sa hiérarchie.
Il faut que l’on sache que le Premier consul est souverain en son pays, comme n’importe quel autre souverain dans le sien.
D’ailleurs, Napoléon a approuvé Talleyrand quand celui-ci a demandé au gouvernement prussien de sonder Louis XVIII pour savoir si les Bourbons n’accepteraient pas d’abdiquer leurs droits en faveur de Napoléon Bonaparte.
Ainsi, la déchirure politique de la Révolution serait refermée, et resterait l’essentiel, les transferts de propriétés, les nouvelles institutions, le code civil, les chambres de commerce, les lycées.
C’est dimanche. Napoléon prend place dans la chapelle, à la place qu’occupait Louis XVI. À côté de lui, et en avant des deux consuls, s’installe Joséphine, comme une souveraine.
C’est dans cette chapelle qu’on baptise le fils d’Hortense, Napoléon-Charles, né le 10 octobre 1802. Napoléon porte lui-même l’enfant sur les fonts baptismaux. Et peut-être cela accréditera-t-il encore les rumeurs ? Tant pis pour Louis. Il regarde cet enfant. Ce pourrait être en effet un héritier légitime, si c’est de cela dont l’opinion a besoin.
N’est-ce pas ainsi qu’agissaient les rois, et ne faut-il pas qu’il soit de plus en plus royal, pour qu’enfin tout le monde sache que la Révolution est finie ?
Il veut savoir comment le peuple perçoit cette évolution. Il écarte d’un haussement d’épaules et d’une mimique de mépris ceux, comme Lebrun, qui lui déconseillent de se rendre en Normandie, région monarchiste qui peut lui faire un mauvais accueil et où il peut courir des risques.
Précisément c’est là qu’il doit aller.
Le 29 octobre 1802, à six heures du matin, il quitte Saint-Cloud dans sa berline de voyage en compagnie de Joséphine. Il bruine. Il distingue à peine, en avant des voitures, la silhouette de Moustache, son courrier qui l’accompagne dans chacun de ses déplacements.
Il veut prendre son temps. C’est la paix. Si la guerre revient, il faudra à nouveau donner des coups d’éperon, mais, pour l’heure, il peut s’arrêter quand il veut. Il saute de voiture peu après Mantes, marche le long de l’Eure sous un ciel devenu bleu. Il veut voir le champ de bataille d’Ivry. Il couchera ce soir à la préfecture d’Évreux. Le lendemain, il est à Louviers. Puis ce sera Rouen, Honfleur, Dieppe, Le Havre, Beauvais.
À Rouen, tout à coup, il a enfourché son cheval et, suivi de quelques cavaliers d’escorte, il a chevauché jusqu’à cinq heures de l’après-midi. Il a besoin de ces courses. Il s’arrête sur les hauteurs
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