[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
n’a pas de mémoire ! Elle est comme Joséphine. Pourquoi n’évacue-t-elle pas Malte, pourquoi ne respecte-t-elle pas le traité d’Amiens et fait-elle mine de s’offusquer, alors qu’elle a fauté la première ?
Hypocrisie !
Il veut savoir ce que veulent vraiment ces Anglais ! Il écarte les prudences de Talleyrand. Assez de diplomatie. Il veut parler directement, sans masque, sans fard, avec l’ambassadeur anglais lord Withworth. Qu’il vienne aux Tuileries, le 18 février 1803 au soir.
Il regarde s’avancer lord Withworth et lui fait signe de s’asseoir à l’une des extrémités de la grande table qui occupe le milieu de son cabinet de travail. L’ambassadeur se tient le dos raide. Il a le visage inexpressif.
Cet homme peut-il comprendre ce que je veux lui dire ? À quoi sert tout cela, si Londres est décidé à la guerre ?
Il faut lui rappeler tout ce que l’Angleterre fait contre la France, contre moi. Une pension accordée à Georges Cadoudal ! Des insultes, des calomnies dans les journaux ! L’accueil réservé aux princes français émigrés !
Au fur et à mesure qu’il récapitule ses griefs, Napoléon cède à la colère.
— Chaque vent qui se lève d’Angleterre ne m’apporte que haine et outrage, s’écrie-t-il. Maintenant, nous voilà revenus à une situation dont il faut absolument sortir. Voulez-vous, ne voulez-vous pas exécuter le traité d’Amiens ?
Il se lève.
— Si vous voulez la guerre, il n’y a qu’à le dire, nous la ferons avec acharnement, s’écrie-t-il. Voulez-vous la paix ? Il faut évacuer Alexandrie et Malte !
Il marche maintenant autour de la table.
— Que dirait le monde si nous laissions violer un traité solennel signé avec nous ? Il douterait de notre énergie.
Il s’immobilise, s’appuie des deux mains à la table.
— Pour moi, mon parti est pris, j’aime mieux vous voir en possession des hauteurs de Montmartre que de Malte !
Lord Withworth reste longuement silencieux, puis il commence à égrener des arguments.
Cet homme-là ne me comprend pas !
Napoléon l’interrompt. Il a respecté le traité point par point, dit-il. Le Piémont, la Hollande, la Suisse dont il s’est fait médiateur, tout cela ne se trouve pas dans le traité. Il est en train d’agir pour que s’opère une réorganisation de l’Allemagne. Mais il en a le droit.
Withworth murmure :
— Le rapport du colonel Sébastiani…
Napoléon rejette le propos. Il n’est pas digne de deux grandes nations.
D’ailleurs, il peut rassurer Withworth. Il faut que Withworth l’écoute avec attention. Il se penche vers l’ambassadeur.
— Je ne médite aucune agression, dit-il. Mon pouvoir n’est pas assez fort pour me permettre impunément une agression non motivée. Il faut que vous ayez tous les torts.
Il se redresse.
Cet homme entend-il seulement ce que je lui dis ?
— Bien jeune encore, je suis arrivé à une puissance, a une renommée auxquelles il serait difficile d’ajouter, reprend Napoléon. Ce pouvoir, cette renommée, croyez-vous que je veuille les risquer dans une lutte désespérée ?
Il semble oublier la présence de Withworth. Il évoque les difficultés d’une traversée de la Manche pour débarquer en Angleterre.
— Cette témérité, Mylord, conclut-il, cette témérité si grande, si vous m’y obligez, je suis résolu à la tenter… J’ai passé les Alpes en hiver !
Il frappe sur la table.
— Vos derniers neveux pleureront en larmes de sang la résolution que vous m’aurez forcé à prendre.
Il se rassied. A-t-il convaincu Withworth ?
— Agissez cordialement avec moi, reprend-il, et je vous promets une cordialité entière. Voyez quelle puissance nous exercerions sur le monde si nous parvenions à rapprocher nos deux nations… Votre marine, et j’ai cinq cent mille hommes… Tout est possible dans l’intérêt de l’humanité et de notre double puissance à la France et à l’Angleterre réunies…
À quoi sert la franchise ?
Les Anglais n’acceptent pas une France forte. Napoléon interpelle Talleyrand le prudent, le précautionneux, qui veut continuer de négocier.
N’est-ce pas la rivalité commencée avec Louis XIV qui se poursuit ? Aggravée parce que je suis le couronnement de la Révolution. Et que les Anglais la refusent. Ils ne feraient sans doute pas la paix avec un Bourbon, mais avec moi, jamais !
Et le Bourbon est aux aguets. Naturellement, il a rejeté la
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