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[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

Titel: [Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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à accorder le titre de dignitaire dans l’ordre de la Légion d’honneur à Bruix.
    L’amiral m’a résisté. Il a même mis, quand je l’ai menacé avec ma cravache, la main sur le pommeau de son épée. J’ai besoin d’hommes comme lui .
    Napoléon a fait allumer un feu pour se sécher. Il dort quelques dizaines de minutes, mais il a besoin de se confier.
    Il écrit, écrasant sa plume sur le papier, traçant à peine les lettres, et souvent la plume accroche tant il la pousse vite, et de grosses taches d’encre couvrent quelques lettres.
    « Madame et chère femme, commence-t-il, depuis quelques jours que je suis loin de vous, j’ai toujours été à cheval et en mouvement sans que cela prît nullement sur ma santé.
    « Le vent ayant beaucoup fraîchi cette nuit, continue-t-il, une de nos canonnières qui était en rade a chassé et s’est engagée sur des rochers à une lieue de Boulogne ; j’ai cru tout perdu, corps et biens ; mais nous sommes parvenus à tout sauver.
    « Le spectacle était grand : des coups de canon d’alarme, le rivage couvert de feux, la mer en fureur et mugissante, toute la nuit dans l’anxiété de sauver ou de voir périr ces malheureux !
    « L’âme était entre l’éternité, l’océan et la nuit.
    « À cinq heures du matin, tout s’est éclairci, tout a été sauvé, et je me suis couché avec la sensation d’un rêve romanesque et épique ; situation qui eût pu me faire penser que j’étais tout seul, si la fatigue et le corps trempé m’avaient laissé d’autres besoins que de dormir.
    « Napoléon »
    Ce n’est pas tout ce qui a eu lieu. Mais ce qu’il a écrit s’est produit.
    Et c’est cela qu’il veut retenir.
     
    Quelques jours plus tard, un courrier de Paris apporte à l’Empereur les traductions des journaux anglais. Tous évoquent la mort de quatre cents marins et soldats à la suite des ordres donnés par « l’Ogre Buonaparte ».
    Il y a donc toujours autour de lui cette nuée d’espions, de bavards stipendiés aux aguets, prêts à toutes les trahisons, à tous les mensonges pour l’abattre. Pitt vient de faire voter par le Parlement de Londres un crédit extraordinaire de deux millions et demi de livres sterling « pour usages continentaux ». De quoi payer des milliers d’hommes, acheter leurs yeux et leurs esprits.
    Voilà qui vaut la flotte de Nelson !
    Comment faire face ?
    Souder les hommes autour de moi
    Le 16 août 1804, il passe en revue les troupes dans une petite vallée située à une demi-lieue de Boulogne, non loin de la mer, entre le moulin Hubert et Terlincthun.
    Il s’arrête devant les nouveaux drapeaux carrés qui portent les aigles au sommet de leur hampe. Le tissu claque. Des chapelets de nuages blancs glissent sur le vert des collines, cachant par instants le brillant du ciel bleu.
    Il se tient jambes écartées, pour résister au vent. Il va distribuer les Légions d’honneur à l’armée de Boulogne.
    Il appelle d’une voix forte chacun des promus. C’est comme un adoubement. Et il prend chaque décoration dans le casque de Bayard, que tient un aide de camp.
    Ces hommes-là doivent lui être fidèles comme des chevaliers.
    Entre l’honneur et l’argent anglais, entre la fidélité et la peur ou l’intérêt, ils ne doivent pas hésiter.
    Il faut qu’il en soit ainsi d’un bout de l’Empire à l’autre, dans toute l’Europe pour vaincre l’Angleterre.
     
    Ce jour-là, Napoléon décide de visiter les villes de la rive gauche du Rhin, sur lesquelles régna Charlemagne.

28.
    Il se laisse aller. Son corps suit durant quelques minutes les mouvements de la berline. Il froisse la lettre que lui a donnée Méneval, assis en face de lui. Il croise son regard et aussitôt le secrétaire baisse les yeux.
    Napoléon regarde par la fenêtre. La voiture traverse un paysage vallonné que raye la pluie violente.
    Il pleut depuis qu’ils ont quitté Boulogne. Il a plu à Saint-Omer, pendant la revue des divisions de réserve de cavalerie. Il a plu à Arras, pendant le défilé des troupes, qui a duré plusieurs heures.
    Napoléon est resté debout sous l’averse, félicitant le général Junot pour la bonne tenue des troupes. Il a revu Laure Junot, mais il n’a échangé que quelques phrases avec elle. Il a dû recevoir en audience les officiers, le préfet, les notables, l’évêque. Il a fait face à ses obligations parce qu’il est l’Empereur et qu’un chef ne doit pas sentir la

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