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[Napoléon 3] L'empereur des rois

[Napoléon 3] L'empereur des rois

Titel: [Napoléon 3] L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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les dignitaires.
    « Parvenu à l’âge de quarante ans, reprend-il, je puis concevoir l’espérance de vivre assez pour élever dans mon esprit et dans ma pensée les enfants qu’il plaira à la Providence de me donner. Dieu sait combien une pareille résolution a coûté à mon coeur, mais il n’est aucun sacrifice qui soit au-dessus de mon courage lorsqu’il m’est démontré qu’il est utile au bien de la France. »
    Il se tourne vers Joséphine. Qu’elle ne doute pas de ses sentiments, dit-il.
    « Je n’ai qu’à me louer de l’attachement et de la tendresse de ma bien-aimée épouse… et qu’elle me tienne toujours pour son meilleur et son plus cher ami. »
    Ami . Ce mot comme un coup de poignard qu’il se donne à lui-même et dont il la frappe.
    Ami : voilà ce qu’il est devenu.
    Il se souvient des lettres qu’il écrivait à Joséphine au temps de la campagne d’Italie. Il ne la regarde plus.
    Elle commence une phrase, puis les sanglots l’étouffent et c’est Regnaud qui lit son consentement au divorce.
    Napoléon ne lève la tête que lorsqu’on lui présente le procès-verbal. Il écrase la plume, souligne son nom d’un large trait. Et il voit la main de Joséphine écrire sous ce trait, lentement, son nom, ces petites lettres enfantines. Il détourne la tête. Il entend le crissement de la plume. Quand le silence revient, il va vers Joséphine, l’embrasse et la reconduit en compagnie d’Hortense et d’Eugène vers ses appartements.
     
    Tout est fini, donc. Il n’assiste pas au Conseil qui va adopter le texte du sénatus-consulte que le Sénat votera. Il suffira ensuite de faire déclarer la nullité du lien religieux par la commission ecclésiastique, que l’on saura et composer et soumettre. Il sait bien, dès ce 14 décembre 1809, qu’il obtiendra ce qu’il veut, même si certains contesteront la légalité de la procédure.
    Il a donc réussi. Il s’est séparé de ce qui le liait encore au passé, au début de son ascension.
    Il s’assied sur son lit. Il a tranché avec sa jeunesse. Il a désiré cela. Mais il n’éprouve aucune joie. Ce divorce, il l’a voulu pour être fidèle à son destin. Mais est-il encore fidèle à ses origines ?
    Il se couche. La porte s’ouvre. Il voit Joséphine. Elle avance lentement vers le lit. Il la serre contre lui.
    — Du courage, du courage, murmure-t-il.
    Il la garde contre lui cependant qu’elle pleure, puis il appelle Constant, qui la reconduit.
    Morne nuit.
     
    Il lui semble, quand il se lève le lendemain matin, qu’il n’a plus d’énergie. Il se laisse habiller en soulevant ses bras lentement. Son corps est endolori. Il a dans la bouche cette saveur âcre de la bile. Son estomac est douloureux.
    Il appelle Méneval, mais il ne peut dicter. Il est épuisé. Il se laisse tomber sur une causeuse. Il a l’impression que son corps est lourd. Il ne bouge plus, la tête appuyée sur la main, le front moite.
    Il se lève brusquement quand un aide de camp lui annonce que les voitures de l’Impératrice sont prêtes au départ pour la Malmaison.
    C’est la dernière épreuve.
    Il descend par le petit escalier sombre. Il la voit, hagarde. Il la reçoit contre lui, l’embrasse, puis il la sent glisser. Elle s’évanouit. Il la porte jusqu’à un canapé.
    Elle ouvre les yeux, tend le bras. Mais il s’éloigne. Que peut-il dire ? Que peut-il faire ? Il a choisi.
    Il appelle son grand chambellan. Il ne veut pas rester aux Tuileries. Il va s’installer pour quelques jours à Trianon.
    Il doit vivre.
    Il monte dans sa voiture. Qu’on dise à la princesse Borghèse de le rejoindre avec sa dame d’honneur, Christine de Mathis.
    Vivre, c’est aussi un choix de la volonté.

31.
    Cela ne fait qu’un jour qu’il est à Trianon, et déjà la solitude lui pèse. Ce mois de décembre et cette année 1809 n’en finissent plus !
    Il entend les rires de Pauline Borghèse et de ses dames d’honneur. Il ne les supporte pas. Il sort dans le parc. Il lui semble qu’il ne pourra plus retrouver son énergie.
    Il a renvoyé Méneval et les aides de camp. Il fait seller son cheval. Il veut chasser. Il parcourt les bois de Versailles, le plateau de Satory. Il rentre trempé par l’averse, mais il se sent mieux. Il aperçoit Christine de Mathis. Il va dîner avec elle. Mais, dès qu’il est assis en face de cette jeune femme qui jacasse et roucoule, il se morfond. Il se souvient de Joséphine, de la complicité qui les

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