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[Napoléon 3] L'empereur des rois

[Napoléon 3] L'empereur des rois

Titel: [Napoléon 3] L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Il se distrait. Il écrit à Joséphine qui a été choquée par la manière dont il a traité, dans les bulletins de la Grande Armée, la reine Louise.
    « Tu me parais fâchée du mal que je dis des femmes. Il est vrai que je hais les femmes intrigantes au-delà de tout… J’aime les femmes bonnes, naïves et douces, mais c’est que celles-là seules te ressemblent. »
    Il pose la plume. Le pense-t-il vraiment ? Dans le passé, Joséphine… Mais il préfère ne pas se souvenir de ses trahisons, de sa duplicité. Elle est aujourd’hui le plus souvent triste, inquiète, jalouse.
    « Sois contente, heureuse de mon amitié, de tout ce que tu m’inspires, lui écrit-il le 22 novembre à 10 heures du soir. Je me déciderai dans quelques jours à t’appeler ici ou à t’envoyer à Paris.
    « Adieu, mon amie ; tu peux actuellement aller, si tu veux, à Darmstadt, à Francfort, cela te dissipera.
    « Mille choses à Hortense.
    « Napoléon »
    Il appelle Caulaincourt, le grand écuyer. Il va quitter Berlin, dit-il, se rapprocher des troupes. Qu’on prépare les relais pour les chevaux.
    Puis il se fait apporter les dépêches, les journaux publiés à Paris. Il s’emporte, les jette sur le sol. Il appelle son secrétaire, dicte une lettre pour le ministre de l’Intérieur.
    « Monsieur Champagny, j’ai lu de bien mauvais vers chantés à l’Opéra. Prend-on donc à tâche, en France, de dégrader les Lettres ?… Défendez qu’il ne soit rien chanté à l’Opéra qui ne soit digne de ce grand spectacle. Il y avait une circonstance bien naturelle, c’était de faire quelques beaux chants pour le 2 décembre. La littérature étant votre département, je pense qu’il faudrait vous en occuper car, en vérité, ce qui a été chanté à l’Opéra est par trop déshonorant. »
     
    Le 25 novembre 1806, Napoléon quitte Berlin. Il est 3 heures. Il rejoint la Grande Armée, qui avance vers Varsovie à la rencontre des armées du tsar de Russie.

Deuxième partie
    Quand le coeur parle,
 la gloire n’a plus d’illusions
    26 novembre 1806 – 27 juillet 1807

5.
    Il pleut. Il neige. Il gèle.
    Depuis que Napoléon a quitté Berlin, l’averse déferle et la route et les champs sont couverts de boue. La berline avance lentement, les roues prises dans ce magma noir.
    Les soldats que la voiture dépasse et qui marchent sur les bas-côtés ne lèvent même pas la tête.
    Napoléon voit certains de ces grenadiers, leur fusil en bandoulière, prendre à deux mains leurs mollets pour arracher leurs pieds de la boue qui les retient, les aspire, et, alors que la voiture est immobilisée, il aperçoit des soldats pieds nus, leurs jambes enveloppées dans cette gangue glacée et gluante. Les brodequins sont restés collés à la boue.
    Dans la berline même il écrit à Daru, l’intendant général de la Grande Armée. « Des souliers ! des souliers ! portez votre plus grande attention à ce sujet. Et si l’on ne peut avoir de souliers, qu’on prenne du cuir avec lequel nos soldats sont assez industrieux pour se raccommoder leurs vieux souliers. »
     
    Il a froid.
    Cette sensation désagréable de ne pouvoir se réchauffer l’a saisi dès qu’il s’est éloigné de Berlin, que la voiture a commencé de rouler dans ces plaines qui se confondent avec le ciel. Le jour dure moins de trois heures. Les villages polonais aperçus après la traversée de l’Oder ne sont composés que de masures, dont certaines ont le toit recouvert de paille. Et Napoléon a vu des chasseurs de sa Garde qui nourrissaient leurs chevaux avec cette paille des toits.
    Ses aides de camp ont été incapables de lui dire où se trouve l’armée russe du général Bennigsen. Il a la conviction qu’elle recule, qu’elle refuse le combat. Elle a abandonné Varsovie, et Murat a pu pénétrer le 28 novembre dans la capitale polonaise, au milieu d’une foule en délire.
    Napoléon lit son rapport. Murat s’imagine déjà roi de Pologne, laisse entendre qu’il est l’homme qui convient à ce peuple héroïque.
    Il faut dégriser Murat, lui rappeler que, s’il doit attribuer des places aux patriotes polonais, « il ne doit point calculer arithmétiquement le rétablissement de la Pologne ».
    Napoléon l’a déjà dit souvent en recevant des Polonais : « Votre sort est entre vos mains… mais ce que j’ai fait est moitié pour vous, moitié pour moi. »
    Mais plus il avance dans ce pays, plus il découvre cette

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