[Napoléon 3] L'empereur des rois
respire longuement. Il va faire de Finckenstein le centre, la tête et le coeur de l’Empire.
Il rentre dans le château.
De part et d’autre de la grande porte en bois ouvragé, des grenadiers montent la garde. Il dit à Duroc de s’enquérir au plus vite du lieu où se trouve Marie Walewska afin… Il n’a pas besoin de conclure. Duroc s’incline et s’éloigne.
Dans son cabinet de travail, Napoléon écrit sa première lettre. C’est le jeudi 2 avril 1807.
« Je viens de porter mon quartier général à Finckenstein, dit-il à Joséphine. C’est un pays où le fourrage est abondant et où ma cavalerie peut vivre. Je suis dans un très beau château, qui a des cheminées dans toutes les chambres, ce qui m’est fort agréable, me levant beaucoup la nuit. J’aime voir le feu. Ma santé est parfaite. Le temps est beau, mais encore froid. »
Le matin, il est levé à l’aube. Dans le brouillard, il aperçoit les premiers feux des grenadiers qui s’allument dans le parc. Il a hâte d’être au travail. Il rudoie Constant et Roustam, trop lents pour sa toilette. Les affaires l’attendent, dépêches arrivées de Paris, décrets, règlements à dicter, ordres à renvoyer au maréchal Lefebvre qui dirige le siège de Dantzig où les troupes prussiennes du maréchal Kalkreuth refusent de se rendre.
C’est cela, le plus urgent, faire tomber cette place afin d’avoir le flanc libre pour se porter contre Bennigsen quand il commettra la faute de s’avancer.
Car tel est le plan. Napoléon revoit les cartes. Le maréchal Ney est en avant des lignes françaises, comme un appât. Il reculera afin d’attirer Bennigsen, qu’on enveloppera par les flancs et qu’on détruira comme on a déjà détruit les troupes russes à Austerlitz. Il faut une victoire aussi éclatante pour que le tsar Alexandre I er comprenne enfin qu’il doit traiter. Et peut-être alors pourra-t-on conclure avec lui une alliance qui partagerait l’Europe en deux zones d’influence. Et qui ferait plier l’Angleterre.
Napoléon hausse la voix. Il dicte une lettre pour Talleyrand. Il vient d’apprendre qu’à Londres un nouveau cabinet s’est constitué autour du duc de Portland et qu’il a rassemblé autour de lui Canning, Castlereagh, Hawkesbury, tous des hommes de Pitt, des partisans de la guerre à outrance. Comment imaginer qu’on puisse traiter avec ces hommes-là ? Il faut les vaincre, donc battre les Russes, puis tenir le continent et faire entendre raison aux Anglais.
Mais qui comprend ces enjeux ? À Paris, on murmure, on rêve de paix, et cette sérénade se fait entendre jusque dans les salons de l’Impératrice.
« Ridicule coterie ! » s’exclame Napoléon.
Il écrit à Fouché, le ministre de la Police générale. Ne devrait-il pas surveiller et empêcher cela ?
« Il faut donner à l’opinion une direction plus ferme…, dit Napoléon. Il n’est pas question de parler sans cesse de paix, c’est le bon moyen de ne pas l’avoir… »
Napoléon froisse les journaux, les jette dans le feu. Ces hommes de lettres parlent et écrivent à tort et à travers, donnent dans leurs articles des informations militaires qui instruisent l’ennemi. Cela est fort bête.
Il se calme.
« L’esprit de parti étant mort, dicte-t-il, je ne puis voir que comme une calamité dix polissons sans talent et sans génie clabauder sans cesse contre les hommes les plus respectables, à tort et à travers. »
Mais qui d’autre que lui analyse clairement la situation ? Talleyrand lui-même, l’habile, le retors prince de Bénévent, s’illusionne sur l’attitude de tel ou tel, de l’Autriche qui offre sa médiation.
Napoléon se tourne vers Caulaincourt, son écuyer. Il l’interroge, insiste jusqu’à ce que Caulaincourt réponde qu’il regrette que « les espérances de paix s’éloignent, Sire ». Et le général Clarke approuve en hochant la tête.
Ils espèrent tous en la paix !
Et qui ne la voudrait ? Mais croient-ils qu’on la désire à Londres, et même à Vienne ? Croient-ils qu’on se détermine en fonction des sentiments ?
« Aimer, je ne sais trop ce que cela veut dire en politique ! » s’exclame Napoléon.
Peut-il faire comprendre qu’il voudrait, lui aussi, une paix générale, un congrès européen ?
Il convoque Talleyrand à Finckenstein, l’entraîne dans le parc, le fait assister aux parades qui se déroulent chaque jour à midi. Il est familier,
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