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[Napoléon 3] L'empereur des rois

[Napoléon 3] L'empereur des rois

Titel: [Napoléon 3] L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ambassadeur en Russie.
    — Vous êtes une mauvaise tête, Caulaincourt.
    Il lui pince l’oreille.
    — La paix générale est à Pétersbourg, il faut partir.
    Que m’importe que Caulaincourt refuse à nouveau ce poste d’ambassadeur ?
    — C’est la belle Mme de Canisy qui vous retient à Paris.
    Il pince à nouveau l’oreille de Caulaincourt.
    — Vos affaires, puisque vous voulez vous marier, s’arrangeront mieux de loin que de près.
    C’est ainsi. On ne discute plus. On obéit. On écoute.
    Napoléon se met à marcher, mains croisées dans le dos.
    — Ce monsieur de Tolstoï, commence-t-il, a toutes les idées du faubourg Saint-Germain et toutes les préventions de la vieille cour de Pétersbourg avant Tilsit, dit-il. Il ne voit que l’ambition de la France et déplore, au fond, le changement du système politique de la Russie, et surtout son changement à l’égard de l’Angleterre.
    Napoléon a un haussement d’épaules.
    — Il peut être un très galant homme, mais sa bêtise me fait regretter Markov 1 . On pouvait causer avec lui, il entendait les affaires. Celui-ci s’effarouche de tout.
     
    Mais que pèsent les préjugés et les réticences du comte Tolstoï ?
    « Les peuples veulent des idées libérales, confie Napoléon à Jérôme, ce frère qu’il a installé sur le trône de Westphalie.
    « Ils désirent l’égalité, poursuit-il. Voilà bien des années que je mène les affaires de l’Europe, et j’ai eu lieu de me convaincre que le bourdonnement des privilégiés était contraire à l’opinion générale. »
    Il s’interrompt, sort de son cabinet de travail.
    Cette phrase qu’il vient de dicter le trouble. Est-il sûr de cela ? Ne cherche-t-il pas, depuis qu’il a accédé au pouvoir, à se concilier les privilégiés de l’ancienne noblesse ? Ne veut-il pas constituer une dynastie alliée aux vieilles familles régnantes ?
    Il rentre dans son cabinet, rejette la lettre qu’il destinait à Jérôme. Il se sent hésitant, déchiré.
    Il ne le supporte pas.
     
    Il va quitter le château de Fontainebleau, dit-il tout à coup, pour se rendre en Italie. Voilà deux ans, depuis le printemps 1805, qu’il n’a pas visité ce royaume, dont il porte la couronne de fer. Il est temps.
    Il répond à peine à Joséphine qui veut être du voyage.
    Il part aussi pour la fuir, pour ne plus voir ce visage dont la tristesse l’accuse.
    — Figurez-vous que cette femme-là pleure toutes les fois qu’elle a une mauvaise digestion, parce qu’elle se croit empoisonnée par ceux qui veulent que je me marie avec quelqu’un d’autre, c’est détestable, dit-il d’un ton impatient à Duroc.
    Peut-être pourra-t-il, en Italie, prendre une décision.
    Il se souvient brusquement de la soeur d’Augusta de Bavière, Charlotte. Il a organisé le mariage d’Augusta et d’Eugène de Beauharnais. S’il épousait Charlotte ? Il dicte fébrilement une lettre d’invitation au roi et à la reine de Bavière, d’avoir à se trouver à Vérone avec leur fille. Voyons-la !
    Puis, le 15 novembre, la veille de son départ pour Milan, il est à nouveau saisi par le doute. Il reprend sa lettre à Jérôme.
    « Soyez roi constitutionnel », lui écrit-il.
    Lui ne l’est pas. Il a choisi de mêler l’ancien et le nouveau. D’habiller les idées libérales sous les vieux oripeaux des préjugés, dont il a mesuré l’importance.
    Et c’est pour cela qu’il a tissé cette trame avec les familles régnantes. Pour cela qu’il va rencontrer le roi et la reine de Bavière à Vérone. Mais que Jérôme ne se méprenne pas :
    « Que la majorité de votre Conseil soit composée de non-nobles », écrit-il.
    Il sourit, ajoute :
    « Sans que personne ne s’aperçoive de cette habituelle bienveillance à maintenir en majorité le tiers état dans tous les emplois. »
    Car, s’il est sûr que ce n’est jamais le passé qui l’emporte, il faut ruser. Même lorsqu’on est l’Empereur des rois.
    1 - Ancien ambassadeur de Russie à Paris, qui a été rappelé à la fin de 1803 sur les plaintes de Bonaparte.

14.
    Napoléon commence à fredonner. La voiture vient à peine de quitter la cour du château de Fontainebleau, ce lundi 16 novembre 1807, et il est déjà joyeux. Il retrouve les paroles de cette chanson que souvent les soldats, quand il passe devant eux, avant la bataille, entonnent :
    Napoléon est Empereur
    V’là ce que c’est que d’avoir du coeur !
    C’est le fils

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