[Napoléon 3] L'empereur des rois
correspond à l’intérêt des peuples. Cette organisation est un modèle de raison, elle achèvera ce que la Convention a commencé. La Révolution a ouvert la voie. Il la prolonge et rend possible son projet : il suffit d’associer le Code civil à la monarchie, de conserver les formes dynastiques, alors qu’on bouleverse la société, pour que naisse une nouvelle Europe.
C’est cela qu’il fait, qu’il veut : il fonde. Il est le premier d’une nouvelle race. La quatrième depuis Charlemagne.
Dans les jours qui suivent, il retrouve avec une sorte d’allégresse le rythme de ses journées. Travail dès 7 heures, puis chasse, parfois au bois de Boulogne ou bien dans la forêt de Marly et autour du château de Saint-Cloud et de la Malmaison. Il préside les séances du Conseil d’État, multiplie les réceptions, les audiences diplomatiques, découvre un nouvel ambassadeur d’Autriche, un homme de trente-cinq ans, petit-fils par alliance du chancelier Kaunitz : Metternich.
L’homme lui paraît intelligent, fin, ouvert, peut-être partisan d’une alliance avec la France, dans la tradition de celle du chancelier Kaunitz, précisément.
À l’une des audiences, Napoléon le prend par le bras, le questionne. Metternich, qui a fait une partie de ses études à Strasbourg, s’exprime parfaitement en français. Il a vécu les événements révolutionnaires dans la capitale alsacienne, explique-t-il, et en est encore effrayé.
— Je veux unir le présent et le passé, dit Napoléon, les préjugés gothiques et les institutions de notre siècle.
Metternich comprend-il ? Pour cela, continue Napoléon, il faut la paix. Elle est possible. Il la souhaite. Il a tant de choses à réaliser.
Il visite les travaux qu’il a fait entreprendre au Louvre. Il confirme sa décision de faire construire une colonne place Vendôme sur le modèle de celle de Trajan à Rome, et un arc de triomphe sur la place du Carrousel, ces deux monuments à la gloire de la Grande Armée, puis un second arc de triomphe, qu’il ordonne d’élever au sommet de l’avenue des Champs-Élysées, dont il posera la première pierre le 15 août, le jour de la célébration, dans tout l’Empire, de la Saint-Napoléon.
Lorsqu’il décide ainsi de bâtir, de faire ouvrir des fontaines dans les différents quartiers de Paris, de lancer un pont sur la Seine, d’aménager les quais le long du fleuve, d’ordonner la publication du Catéchisme impérial ou de convoquer les représentants de la nation juive pour qu’ils adaptent les coutumes de leur religion aux nécessités de la vie moderne – et, par exemple, d’en finir avec la polygamie –, il éprouve une sorte de joie intellectuelle et physique.
Il se sent alerte, le plus vif de tous ceux qu’il commande. Même s’il a pris durant ces quelques mois un peu d’embonpoint, si, il le voit bien, ses joues se sont remplies, son front élargi parce que ses cheveux se font rares, déjà, si bien qu’il a perdu son profil acéré, son visage anguleux, pour des traits plus ronds, il se sent plein d’une énergie renouvelée par le succès, ses projets, ses décisions, et les acclamations aussi.
Lorsque, le mercredi 29 janvier 1806, deux jours à peine après son retour à Paris, il s’est rendu pour la première fois au Théâtre-Français, où l’on joue Manlius , une pièce d’un auteur à la mode, Lafosse, la salle entière s’est levée alors que Talma déclamait déjà en scène. L’acteur s’est incliné pendant que la salle applaudissait et criait : « Vive l’Empereur ! » Et chaque fois que Napoléon paraît à l’Opéra, ou lors d’une revue des troupes, ce sont les mêmes exclamations.
D’ailleurs, rapportent les espions de police, chacun loue l’Empereur, célèbre ses mérites. La confiance est revenue. La Banque de France a repris ses paiements à guichet ouvert, et la crise financière de décembre 1805 est oubliée.
On sait que Napoléon a ramené à Paris de sa campagne d’Allemagne 50 millions en or, en argent ou en lettres de change sur les principales places financières d’Europe.
Et il a suffi de quelques jours pour que Napoléon mette de l’ordre dans l’organisation des finances.
Il a reçu Barbé-Marbois, le ministre du Trésor.
L’homme est penaud, offre sa tête, dit-il. Napoléon secoue les épaules. Que faire d’une tête comme la vôtre ? répond-il.
— J’estime votre caractère, poursuit-il, mais vous avez
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